Chronique du Comté de Narbonne.

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Jeudi 1 Novembre de l’an 2012

Mon cher parent,

8 heures et demi ce matin. Le ciel était sans nuage. Il ne faisait pas un temps de Toussaint. Un temps pour une longue marche, plutôt. Ce que je fis ; en direction de l’écluse de Raonel, en prenant, du bas de chez moi, l’ancien chemin de halage. Aller retour : deux petites heures avec, dans les oreilles, la musique de Scriabine.

Peux être connais tu ce russe aux compositions « planantes » ? Il s’inspirait des écrits du Père Louis-Bertrand Castel (1688-1757), inventeur d’un clavecin qui associe couleurs et sons, et créait des sonates à la manière des peintres. Un jeune poète s’y exercera aussi, avec des lettres… Bref, le bonheur, mon oncle ! Dans ces moments, le temps et l’espace changent de dimension : hier est demain, les souvenirs se mêlent, les personnes et les lieux aussi. On refait l’histoire à sa façon…

C’est au moulin du Gua que j’aperçus ces deux canards : un couple. Paisible et muet ! Loin, très loin de la mare aux ambitions politiciennes dont nos gazettes font quotidiennement leur festin ! Dans le Comté, trois, bientôt quatre, cinq, six peut-être ! prétendants à sa direction se volent dans les plumes, pendant que les ministres en charge de notre beau royaume , forts en verve, couaquent à plein bec, mon oncle ! A  Paris comme à Narbonne, on se croirait dans une disputeuse basse cour ; une basse cour dont la nature, comme tu le sais, est de se ruer  sur le poulet ou le caneton malade pour l’achever ou l’expulser. Ce qui présage un très mauvais sort pour certains dont l’ostentatoire vanité ne parvient plus à cacher une profonde et définitive incompétence. Par charité chrétienne, en ce jour de fête de tous les saints, je ne t’en dirai pas les noms ; que tout le monde cependant connaît. La sagesse voudrait qu’ils méditent l’évangile du jour, celui de Matthieu : «  Heureux les doux… »; ils ne le feront pas ! La fantasque couvée de François de Gouda comporte trop de vilains petits canards : des verts, des roses plus ou moins foncés… aux longs becs empressés. (Oui, mon oncle, il en est de longs aussi chez les canards !) Quant à celle qui voudrait nager dans les eaux du pouvoir comtal où patauge le Comte Labatout, tout aussi fantaisiste, elle ne sait plus à quel saint, si j’ose dire, se vouer. (Si tant est, qu’à Dieu ne plaise, un canard est l’âme pieuse !) Aujourd’hui, c’est le sieur Cloture, qui prend sa plume ; hier c’était le sieur Miro, qui jouait du grelot. Demain verra Lemaillet taper des pieds et Molly jouer les Valkyries. Le sieur Godasse, lui, benoîtement observe, les yeux mouillés et le cigare aux lèvres. Et voilà le décor planté pour la comédie de l’humanité, mon oncle ! Notre scepticisme n’aura rien d’amer, je te rassure. Et nous rirons !…

Ah ! j’oubliais de te dire que Labatout a trouvé le filon qui fera du Comté un véritable Eldorado. L’industrie du sexe était en salon dans son Parc des Expositions. On y a donné des leçons de fellation et présenté des explorations digitales. Sentant le coup venir, si j’ose dire encore, le Comte s’est empressé de s’écrier « L’érotisme oui, le porno non ! » Las ! le gazetier du Tirelire, pour en avoir été témoin, l’affirme: dimanche dernier il n’y avait pas un poil de différence entre les deux…

Je te laisse à ta douce et facétieuse rêverie, mon oncle ! et te donne l’absolution. Mounier, qui n’était pas un mécréant, n’allait-il pas jusqu’à dire de l’érotisme qu’il portait un élan et un mystère qui l’ont toujours associé dans de troubles combinaisons aux formes mal dégrossies du sentiment religieux !…

Bonne fête de la Toussaint, mon bien aimé parent.  

 

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