Chronique du Comté de Narbonne.

 Narbonne_panorama

Dimanche 7 Octobre de l’an 2012.

Il faisait un temps idéal pour une longue marche en montagne. C’était lundi dernier en Vallespir, à Serralongue, mon oncle ! A neuf heures du matin, le Canigou, bleu et blanc, sortait d’épais nuages. Sept heures plus tard, au sortir d’une superbe hêtraie, le village, son église et son conjurador, apparaissaient en pleine lumière. Une épreuve, une grâce aussi…

Oui, mon oncle ! une grâce car on vit plus longtemps en marchant… Le temps ralentit, il prend une respiration plus ample, plus souple; la lenteur de la marche, sa régularité, allonge  la journée : le temps s’étire, s’étire… La relation à l’espace se dilate aussi : la beauté des paysages est plus intense à gravir des pics et des crêtes, franchir des cols. Marcher nous rend surtout beaucoup plus ouvert et disponible à la pensée. En laissant au bord des chemins les masques et les rôles sociaux qui nous sont imposés, on se retrouve. Comme on retrouve, tous ses sens en éveil, la joie et les plaisirs simples du manger, du boire et du repos. Oui, mon oncle, la marche est une renaissance ! On se débarrasse d’anciennes fatigues, de vieilles idoles, on se donne du champ. C’est savourer la grâce d’être au monde, s’interroger sur soi, sur son rapport à la nature et aux autres. Marcher fait penser ! Quelle qu’en soit la forme : promenade, flânerie solitaire, exercice d’hygiène, la marche est une école de sagesse, marcher est une philosophie.  Bien plus ! Un exercice spirituel. Et puis n’écrit-on pas aussi avec ses jambes, comme le note, avec quel style! , ton ami Frédéric : « Le matin je montais en direction du sud, par l’admirable route de Zoagli, longeant les pins parasols, et dominant du regard très loin la mer. L’après-midi je faisais le tour de la baie de San Margherita jusqu’à Portofino. […] C’est sur ces deux chemins que m’est venue toute la première partie du Zarathoustra, surtout Zarathoustra lui-même comme type : plus exactement, j’ai été saisi par lui. » Saisi par lui ou par un autre, qu’importe après tout, il faut continuer sa route, tracer son chemin; chuter et se relever, souffrir et sourire, se perdre et rêver… Aimer enfin ! Chercher en soi sans cesse de quoi nourrir sa vie. Seul, irrémédiablement seul sur ce chemin qui mène au centre de son propre être ! C’est le prix de la liberté, n’est ce pas, mon oncle ?  Tu l’as bien compris, du Comté, de la Cour et de leurs jeux, ce soir, je ne t’en dirai mots. Il convient, comme tu me l’as appris, de savoir arrêter le temps des artifices, ne serait ce que le temps de cette brève correspondance, et s’inscrire, je ne trouve pas d’autres mots, dans celui de l’éternité. Le monde prend ainsi de la profondeur. Comme lundi dernier, en Vallespir, sur les crêtes de Serralongue, en compagnie de mes amis…

Aujourd’hui dimanche, à midi précisément, nous seront rassemblées, parents et amis, dans le cloître de la cathédrale Saint Just. C’est  jour de baptême pour notre dernière petite fille, Mila ; le début d’un  long voyage spirituel balisé par les signes et les symboles d’une longue et belle tradition. A elle et à elle seule, le moment venu, d’en découvrir, au prix de nombreuses épreuves, le sens et les contours…Dans quelques années, je l’espère, je me tiendrai à ses côtés, ni trop près, ni trop loin, ma main dans la sienne, le long d’une plage ou au flanc d’une colline. Libres comme le vent, nous cheminerons…Ensemble; ensemble et séparément !

Je t’embrasse, mon oncle.

 

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