Chronique du Comté de Narbonne.

      

Dimanche 18 novembre de l’an 2012

Mon oncle,

Mon ami le sieur de la Lumière, qui préside, comme tu le sais, aux destinées du très flamboyant, mais hélas si peu lu – deux lecteurs seulement, lui même et sa femme – « Courrier de Cucugnan », est de retour parmi nous. Enfin !  plus précisément dans ses chères Corbières ; qu’il ne quitte  jamais… Mais pouvait-il, invité au château par François de Gouda pour assister à sa grand messe gazetière, lui faire l’affront d’une aussi cruelle et ostentatoire absence ? Au risque de fielleux commentaires de  confrères parisiens accrédités auprès de la Cour, m’assurait-il. A la vérité, mon oncle, cet innocent et pitoyable aveu de vanité, qu’il me fit pourtant le plus sérieusement du monde, n’est pour rien dans sa surprenante décision d’entreprendre ce long et douloureux voyage. Elle tient seulement, et tout entière, dans cette missive du sieur Grabas – il officie au cabinet du seigneur des Terres d’Aude- qui opportunément lui rappelait les subsides alloués par le « parti » rosien à sa bucolique, mais insuffisamment servile était-il précisé, publication. Car c’est ainsi que la liberté d’informer, dans nos provinces, est généralement financée, mon oncle ! Dans cette Aude, belle et pauvre , si nos seigneurs décidaient de retirer leurs placards publicitaires des gazettes locales, elles finiraient par tomber, comme ici, dans les charrettes de l’éminent Cocolin, désormais poubellier en chef du Comté. A cela, tu le sais bien, s’ajoutent des liens et des pressions psychologiques à la trame occulte et infinie autrement plus efficaces. Ainsi le fils de la Lumière, notoirement affligé d’une profonde et incurable bêtise, est-il censé s’occuper de culture, depuis peu,  auprès du petit Comte de Carcassonne ! Souviens toi aussi de ces généreuses et très intéressées invitations acceptées par le vertueux Patrick de la Natte, alors au « Tirelire », pour accompagner le sieur Labatout dans son pompeux séjour au royaume de Tolède et  feu le roi de Septimanie dans celui inutile et fort munificent en terres américaines ! Que d’articles aussi plats qu’ élogieux s’ensuivirent ! Et quel bel office désormais au Comté à veiller sur les écrits de ses anciens associés gazetiers. Mais c’était sans compter sur l’esprit de résistance de son remplaçant au « Tirelire » narbonnais, le sieur Manuel Decuel, aussi discret qu’entêté à ne point se laisser berner. On ne froisse pas impunément la dignité d’un nouvelliste en le mettant ainsi grossièrement sous tutelle, mon oncle ! Mais je m’égare ! Je te disais donc que la Lumière était revenu de la Cour et qu’il en rapportait ce que je pressentais dans ma dernière chronique. Comme sa manche de chemise et sa cravate, la politique économique et  financière de Normal le premier tirent à présent sur sa droite. Dupin et Fressoz , bons journalistes, en disent l’essentiel, et te conseille vivement leur lecture. Quant à la scène politique comtale, je ne t’ étonnerai pas en ne t’en disant rien pour le moment. Labatout dort d’un sommeil bébélien pendant que son opposition s’écharpe dans la plus grande confusion animalière. Le sieur Granel en vient même à proposer qu’une chèvre et une seule conduise sa liste au prochain renouvellement comtal. Ce qui n’est pas très flatteur pour le pauvre bougre qui sera désigné et encore moins pour ce noble animal qui n’en demandait pas tant. Que d’ânes , mon oncle ! Que d’ânes ! De la tour Aycelin je les entends parfois braire , et ils n’ont pas de pires insultes que de s’appeler hommes ! C’est dire…

Je te souhaite de bons jours, cher parent. Il est l’heure du repos et m’en vais méditer sous les volutes d’un excellent havane que m’offrit tantôt notre ami de la Brindille. Je ne goûte cet exotique cigare, il le sait, qu’en solitaire. Comme Jean Jacques ses promenades… Bien à toi!

 

 

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