L’enfer ce n’est pas toujours les autres…

 

 

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Texte de Jacques Raynal qui, ici, a quartier libre…

Tombé sur Sartre ce matin…On tombe toujours à un moment ou à un autre sur ce binoclard gigantesque…On le hait quelquefois, on voudrait l’oublier, certains disent même qu’il est complètement oublié…Bernique ! Il est toujours là, bourré d’amphétamines, baignant dans son whisky, projetant autour de lui d’étranges, inquiétantes et fulgurantes lueurs. Dernière phrase des « Mots » (les mots, encore !) : « Si je range l’impossible salut au magasin des accessoires, que reste t’il ? Un homme fait de tous les hommes qui les vaut tous et que vaut n’importe qui » D’accord, Poulou, L’homme est ce qu’il se fait, l’essence n’existe pas, il n’est que l’existence, hein…? Oui, l’homme est responsable de ce qu’il est, condamné à être libre, il sera ce qu’il a projeté d’être… Tout cela a marqué toute une génération, la mienne, la notre…liturgie de l’engagement et de l’action, de la responsabilité aussi, c’est ce que l’on a appelé l’existentialisme… L’homme en marche volontaire vers son devenir, Dieu est définitivement mort et enterré…

Par cet apport considérable a l’histoire de la pensée (même si il doit beaucoup a Kierkegaard et Heidegger) Sartre s’inscrit de façon indélébile dans la mémoire des hommes. Mais hélas, Sartre ça n’est pas que cela, sol y sombra…c’est aussi: « Le communisme est l’horizon indépassable de l’humanité…Tout anti communiste est un chien (qu’il faut abattre ?) » Et puis aussi, cette sidérante préface au livre de Franz Fanon: « Les damnés de la terre »; morceau choisi : « Car, dans un premier temps de la révolte, il faut tuer…C’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé…Restent un homme mort et un homme libre ».

De quoi écrire une thèse sur les effets de la mescaline et autres hallucinogènes sur une intelligence supérieure, cet homme qui, dixit Beauvoir, se croyait, dans ses rêves, cerné par des homards, voyait, quand il était réveillé des opprimés partout…

Sartre, philosophe préféré, sans doute de monsieur Mélenchon…Quoique, Sartre voulait les tuer, Mélenchon, lui, veut seulement faire les poches des riches…C’est à ces petits riens que l’on constate des fissures dans la pureté idéologique !

Sartre a aussi écrit « La nausée »… Il est arrivé, mais cela était involontaire, qu’il nous la donne également…Celui qui a écrit que « L’enfer c’était les autres » a sans doute bâti en lui-même son propre enfer…Me revient en mémoire cette remarque d’Umberto Eco: « le diable, c’est la foi sans le sourire, la vérité qui n’est jamais effleurée par le doute. » Sartre a dit aussi que « la modestie est la vertu des tièdes »; si cela est exact, alors, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il était, lui, chaud, bouillant.

Pour changer d’angle et de perspective, quelques lignes du merveilleux Unamuno: « Ceux qui se croient justes sont le plus souvent des arrogants qui veulent humilier les autres par l’ostentation de leur justice »

Transmis à tous ceux, qui, de nos jours inclinant la tête sous le poids de leur vertu, mettent en avant, bien en vue, leur cœur énorme en bandoulière afin que l’on voit bien à quel point ils sont bons et généreux, dignes d’estime et d’admiration… Les mêmes qui, baptisés sur les autels de Saint Marx, se font briller mutuellement l’auréole et appellent ça la solidarité militante…

On en trouve dit on, un certain nombre dans ce que tu nommes les congrès et réunions rosiennes, mon cher Michel…Tu sais, ces lieux ou, oubliant que l’homme doit travailler pour vivre, on pense penser et l’on fait des mots pour survivre (dans leur étrange dialecte, ils appellent cela des motions… moulins a paroles…organes verbeux a moudre l’inutile…Tu te souviens de Shakespeare et du cri de lady Macbeth ? : « Comment puis je m’aimer si vous ne m’aimez pas… » Et voilà le militant résumé. Freud avait d’illustres précurseurs !

Allez, encore un petit coup d’Unamuno ? ça ne se refuse pas !

« La raison répète vanités des vanités, tout est vanité…L’imagination réplique plénitude des plénitudes tout est plénitude. Nous vivons ainsi la vanité de la plénitude et la plénitude de la vanité. » Et aussi : « La vraie science enseigne avant tout de douter et d’ignorer, l’avocasserie ne doute ni ne croit qu’elle ignore, il lui faut une solution ». Beaucoup d’hommes politiques sont avocats (ou enseignants) Montebourg, par exemple est avocat…Je ne sais pas pourquoi je dis ça, rien a voir avec Unamuno (mais alors, ce qui se dit vraiment rien !)

Mais revenons a Sartre qui écrit dans « Les mots » : «  L’enfant, cet espèce de petit monstre que les adultes fabriquent avec leurs regrets. » L’enfant est mort trop tôt, le monstre est resté.

Allez, un dernier coup d’Unamuno pour la route, après, c’est promis, j’arrête. « Il y des gens qui ne pensent qu’avec leur cerveau ou n’importe quel autre organe qui serait l’organe spécifique de la pensée tandis que d’autres pensent avec le corps et avec toute l’âme, avec la moelle des os, avec le cœur et les poumons avec le ventre, avec la vie…Les gens qui ne pensent qu’avec leur cerveau donnent des définitions, ce sont des professionnels de la pensée »

Sartre et Camus, quoi…cœur racorni, aigri d’un coté, cœur palpitant d’amour et ouvert au monde de l’autre.

La bonté est sans doute la meilleure source de clairvoyance spirituelle…Il n’est d’autre vraie intelligence que celle du cœur.

Au bout du compte le but n’est autre que de devenir heureux, pleinement, véritablement heureux…Pas forcément cultivé, raffiné, disert (même si cela ne gâte rien)…Non, heureux dis je, a hurler a la lune, a se rouler dans les champs comme un chien hystérique, a se dissoudre avec délectation dans la tendre rumeur du monde !

Alors, si la culture, la connaissance doivent conduire au désespoir, cela ne sert a rien, rien de rien… Nous  volerons d’autant plus haut que nous nous prendrons a la légère et dans toutes ces salles de classe sombres et tristes ou s’ânonnent les catéchismes rancis de toutes les idéologies humaines, il faut ouvrir la fenêtre et laisser entrer une hirondelle…C’est elle qui nous dira l’essentiel de ce qu’il faut savoir.

Et, quitte a mourir inconnu (ce qui me pend au nez) permettez que je me flatte de vivre méconnu et que, très humblement, je mette mes pas dans ceux de Cyrano « ne pas monter bien haut, peut être, mais tout seul ! » ; « L’optimiste est un imbécile heureux mais le pessimiste, lui est un imbécile malheureux » ça, c’est de Bernanos… Restons des imbéciles si l’on doit être heureux, ça vaut le coup…

Et puis, parce qu’il faut toujours que les derniers mots reviennent au poète puisqu’il sait, lui, les apprivoiser les aimer, qu’il sait leur témoigner révérence et amour, quelques lignes de ce barde enchanteur de notre imaginaire…Christian Bobin.

« Il nous faut mener double vie dans nos vies, double sang dans nos cœurs, la joie avec la peine, le rire avec les ombres…Ainsi allons nous, cavaliers sur un chemin de neige, cherchant la bonne foulée, cherchant la pensée juste…Et la beauté parfois nous brule comme une branche basse giflant notre visage et la beauté parfois nous mord comme un loup merveilleux sautant a notre gorge »

Plus rien…Le silence qui suit un texte de Bobin, il est encore de Bobin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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