La vérité de Thomas Legrand.

Rares sont les occasions de lire sous la plume d’un journaliste la vérité de son métier. Comment il participe, en toute conscience, au théâtre d’ombres du jeu politique et social en masquant la réalité de son exercice. A la manière de ces acteurs dont Aristote disaient déjà qu’ils devaient savoir incarner les deux grandes passions humaines que sont la terreur et la pitié (les peurs de l’avenir et les souffrances du présent…) afin d’attirer le maximum de spectateurs dans la fosse. Thomas Legrand lève le voile dans cet article , qui devrait être étudié dans toutes les écoles et dont je vous livre ici un extrait. Reste une question : sommes-nous prêts à regarder cette vérité là en face. Au risque de s’y brûler les yeux !

 

« Les manifestations ont eu lieu, le Président a répondu, et les leaders syndicaux aussi… Et la mécanique répétitive, lassante du dialogue social de sourds ou de dupes, à la française, suit son cours, toujours le même depuis des lustres… Les déclarations de l’exécutif, les réponses des syndicats ressemblent à s’y méprendre aux déclarations de l’exécutif, aux réactions des syndicats, après chaque manifestation d’ampleur, depuis que j’ai l’âge de lire le journal et d’écouter la radio. Et maintenant, je parle à la radio et j’ai l’impression d’avoir déjà lu cent fois ce que je m’apprêtais à écrire et à dire au lendemain des annonces de l’Elysée à la suite de la grève du 7 septembre… Vous allez reconnaître tous ces termes! J’allais jauger, l’air docte, le fameux «rapport de forces» pour savoir qui va gagner: le pouvoir «va-t-il céder?», «la rue va-t-elle faire plier le gouvernement?». Le gouvernement, justement, ou plutôt ce qui en tient lieu, c’est-à-dire l’Elysée, prend acte de la mobilisation, tente de la minimiser mais reconnaît qu’il faut entendre le «message de la rue». Il fait des concessions –il appelle cela des «avancées»–, les syndicats trouvent que «le compte n’y est pas», que le pouvoir reste «sourd à la grogne sociale» et que l’on modifie le texte «à la marge». Vous la connaissez par cœur cette musique. Si la contestation s’amplifie, au pire l’exécutif peut vider la loi de sa substance pour n’en garder l’enveloppe, on dira alors qu’il a «sauvé la face»…

En réalité, derrière ce théâtre d’ombres, les leaders syndicaux et le ministre en charge du dossier chaud se voient en douce ou bien ce sont leurs émissaires qui négocient discrètement ce qui sera convenu d’appeler «des portes de sorties honorables». »

 

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