Le PS d’Épinay est mort!

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Laurent Bouvet a accordé un entretien fleuve à FigaroVox. Il revient sur l’histoire du Parti socialiste et montre sa lente évolution depuis le congrès d’Epinay en 1971 jusqu’au congrès de Poitiers aujourd’hui.

Extrait

La disparition du «parti d’Epinay» est enfin, et surtout, annoncée par la transformation profonde de l’électorat socialiste et son rétrécissement. Ce qui avait fait sa puissance conquérante, c’est-à-dire son adéquation avec des couches sociales dynamiques et sa capacité d’attirer des catégories sociales différentes, n’est plus qu’un lointain souvenir. Le meilleur indice de la fragilité de ce qui est désormais désigné comme un électorat «progressiste» – celui évoqué plus haut dans la fameuse note de Terra Nova et composé de blocs minoritaires identifiés en fonction de tel critère identitaire culturel ou de tel territoire – est la rapidité de sa dislocation face aux exigences de l’action gouvernementale. Cet «électorat» n’existe plus comme socle politique sur lequel bâtir un rapport de force avec la droite ou l’extrême-droite, pas plus que comme refuge en cas de difficulté face à la conjoncture économique. La procédure des primaires, lancée comme une bouée de sauvetage n’ayant finalement servi qu’à entériner, institutionnellement, le processus de dégradation de la sociologie profonde du parti.

Cette dissolution sociologique se lit aussi, en interne, dans le parti, à travers les errements du mode de «renouvellement» de ses cadres, calqué sur le modèle «progressiste» qui a été mis en place depuis une quinzaine d’années. Le triptyque «jeunesse, parité, diversité» qui a servi de mantra au même titre que le «non cumul des mandats» ayant essentiellement conduit à unifier très largement le recrutement à partir de la seule source maitrisable de l’intérieur du parti: celle d’une professionnalisation précoce à travers les organisations de jeunesse liés au PS (MJS, UNEF, FIDL…) et surtout à travers la fonction de collaborateur d’élu ou de permanent de l’organisation. L’ouverture à la société, la sensibilité aux mouvements qui la traversent, la richesse des parcours et des expériences… qui avaient fait le succès du parti d’Epinay ont évidemment été sacrifiées au profit de cette «professionnalisation» en forme de bureaucratisation.

Il ne reste plus grand chose aujourd’hui du «parti d’Epinay», modèle sur lequel ont pourtant vécu pendant des décennies, et vivent encore d’ailleurs, les socialistes français, toutes générations confondues. Le peu qui subsiste encore sera vite emporté par les défaites électorales qui s’annoncent et le bilan humain sera lourd. Pourtant, comme souvent, la prise de conscience du phénomène sera trop tardive. Comme toujours, les signaux, pourtant nombreux et clairs, de ce bouleversement auront été ignorés jusqu’au bout.

L’intégralité de l’entretien (ici)

Laurent Bouvet est directeur de l’Observatoire de la vie politique (Ovipol) à la Fondation Jean-Jaurès. Son dernier ouvrage: L’insécurité culturelle, est paru chez Fayard.

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Commentaires (7)

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    Pélissier

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    Bonjour à tous,
    C’est bien parce que le PS n’est plus qu’une coquille vidée de son contenu, pour des raisons qui tiennent certes à la conjoncture mais aussi à l’impéritie de ses membres les plus actifs complètement dépourvus de vision à long terme et d’analyse sérieuse … C’est donc parce qu’il ne représente plus que les mots creux de ses apparatchiks que le PS ne peut désormais plus rien pour le bien des populations aujourd’hui dans le besoin.
    Cette population encore minoritaire il y quinze ans est aujourd’hui l’essentiel puisqu’elle recouvre les classes populaires les plus exposées mais aussi tous ceux que l’on range sous la commode étiquette de « classe moyenne » et qui relie des catégories sociales aussi disparates que les petits commerçants et artisans, les cadres moyens et supérieurs (voire décideurs dans les pme) les employés, les fonctionnaires des catégories A,B,C voire hors échelle en fin de carrière; les petits patrons et leur staff, les agriculteurs à leur compte dans les petites et moyennes exploitations, les cadres agricoles dans les grandes exploitations … Et j’en oublie. Bref toutes ces catégories sociales aux intérêts certes fort divergents, conservent toutefois un intérêt en commun : la pérennité d’un modèle économique dit « société d’économie mixte » mis en place par le regretté CNR sous l’impulsion d’hommes comme Moulin et Brossolette que l’on a panthéonisé ( pour les naphtaliniser ? ) et dont on détricote opiniâtrement toutes les coutures pour déshabiller tous les citoyens de leurs protections … Sans doute que la conjoncture rend obligatoire bla bla bla … Il n’empêche que la volonté arrêtée de défendre pied à pied ce modèle interventionniste nous grandirait au niveau européen au point que nous y trouverions des alliés … Notre ambition au niveau de l’Union n’est tout de même pas de nous aligner sur le moins disant social ? Le progrès est une valeur pérenne que je sache et qu’on ne saurait sacrifier aux marchands et à la spéculation !
    Vive donc un mouvement fédérateur et refondateur d’une démocratie plus directe et d’une République plus citoyenne ( moins communautariste).

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    Raynal

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    le problème comme le soulève très justement Bouvet, c’est l’inadéquation entre un parti imprégné encore pour une part de vieille culture marxisante et la nécéssité de se plier aux réalités du monde moderne dès qu’il parvient aux affaires…..C’est le refus affiché de s’avouer clairement social démocrate, tant il est redouté s de s’exposer aux gémonies sde l’extrème gauche, gardienne du temple et de la vraie foi….Tout plutot que de s’entendre assener la qualificatif infamant de  »social traitre  »….Le seul moment ou les socialistes sont bien dans leur chaussures, c’est quand ils sont dans l’opposition….Qu’ils se rassurent….ça ne va plus tarder….

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    Pelissier

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    Quel modèle, Jacques, la social démocratie allemande ?

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      Raynal

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      Chaque pays a ses spécificités et je ne pense pas qu’il faille prendre au pied de le lette les modèles de nos voisins, même si la social démocratie Allemande n’a pas a rougir de son bilan….Je pense simplement que le PS est devenu, de fait, un parti social démocrate avec tout ce que cela comporte de positif et de négatif….Leur problème , semble t’il, c’esr de l’admettre….C’esr de regler leurs problèmes avec leur inconscient, de couper le cordon avec des idéologies qui ne sont plus en phase avec les réalités du monde d’aujourd’hui….Bref ,de tuer les peres fondateurs….C’est dur, c’est difficile, c’est douloureux mais ça avance….Si on doit mettre plus tard au bilan de Hollande une chose positive c’est d’avoir mis en pièces une certaine idée du socialisme….Mitterrand avait bien commencé le boulot, Hollande le peaufine….Encore un candidat du même tonneau et on n’en parlera même plus….Est ce un bien ou pas….? Le débat est ouvert…..

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      Michel Santo

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      Deux ou trois choses Pierre. D’abord qu’avec près de 55% du PIB capté et redistribué par l’Etat et ses administrations nous sommes encore et depuis toujours ou presque dans une économie mixte et largement socialisée: La première des pays membres de l’OCDE … Ensuite, que c’est ce modèle justement qui est en crise profonde et qu’il inconcevable de vouloir l’imposer à l’ensemble des autres États de l’Union . Qui, n’en veulent pas et jamais ne le voudront Enfin, Pierre , si je comprends bien ton souci de Solidarité, qui se décline en termes de programmes fiscaux et sociaux, celui de Fraternité , qui relève lui d’un autre ordre que le juridico-politique, ne peut-être invoqué, lui, qu’au plan philosophique ou moral. Ce qui ne veut pas dire bien entendu qu’il ne soit pas  » un guide pour l’action « 

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    Pelissier

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    C’est justement là où je voulais en venir, Michel Santo, la Fraternité est demeurée depuis plus de deux siècles ce concept sans contenu que l’on n’a jamais su traduire autrement que par une vague assimilation au concept de charité chrétienne … Or la République, des l’origine s’est efforcé de donner du contenu aux mots de sa devise. Simplement l’usage a vite été de ne pas se mouiller avec ce terme encombrant. Que l’Europe qui n’en a pas la paternité, ne s’embête pas avec ce vocable, on pouvait s’y attendre, sauf qu’aujourd’hui les besoins bousculent les bonnes (ou mauvaises) raisons de botter en touche. On ne va rien imposer à l’Europe, mais juste proposer légitimement que pour éviter des périls disproportionnés avec les efforts que chacun peut accomplir, on envisage de mieux mutualisés les risques. On n’accroît pas la pression fiscale mais on rend l’impôt réellement progressif, tout comme d’ailleurs les cotisations sociales.
    Il n’y a rien de révolutionnaire à cela, juste une idée plus réelle, concrète, plus juridique et arithmétique de la Fraternité …

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      raynal

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      La gauche socialiste reste très crédible sur les problèmes de société, la droite reste encore empétrée pour une bonne part dans des crispations identitaires et sociologiques qui apparaissent souvent comme conservatrices et réactionnaires (même si beaucoup de ses nouveaux leaders echappent a ce reproche )….La fraternité prise au sens large m’apparait davantage relever de la vision humaniste de la gauche y compris dans ce qu’elle comporte d’utopique (mais sans utopie que serions nous? ) que de cette droite pragmatique et trop souvent cynique…Par contre, très clairement, dans les domaines de la vision économique et du réalisme la droite m’apparait très supérieure …Une heureuse osmose entre les deux serait la solution révée….Vieille chimère de l’union des hommes de bonne volonté….Qui parait hélas bien impossible dans ce pays (et pourtant d’autres arrivent a le faire comme l’Allemagne avec les succès que l’on sait ) Pour la partie  »psy  » que vous relevez , Jacques, je reste persuadé que les corps sociaux, composés d’individus, obeissent aux mêmes régles que ceux ci….Avec la part d’inconscient ,de non-dit ou de refoulement et de frustrations….Mais c’etait aussi un petit jeu…..Vous l’aviez compris…

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