Les cimetières sont sans imagination.

 

 

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Lundi 29 novembre 2012.

Un soleil et un ciel à n’y pas croire pour aller à la rencontre de ceux qu’on a aimés (mal, sans doute); comme chaque année.

Loin du bruit, aujourd’hui était jour de fête ; comme dans un livre les pierres parlaient et les cyprès chantaient

                                    .°.

Christian Bobin : Tout le monde est occupé (Mercure de France.1999)

« Les bonnes manières sont des manières tristes.Les vivants sont un peu durs d’oreille. Ils sont souvent remplis de bruit. Il n’y a que les morts et ceux qui vont naître qui peuvent absolument tout entendre. Pour les morts et pour Guillaume à venir, Ariane raconte de belles histoires, le soir, auprès du laurier rose.

Même quand vous ne serez plus, je garderai vos noms en moi et je continuerai à les entendre chanter. Tout le monde est occupé. Tout le monde, partout, tout le temps, est occupé, et par une seule chose à la fois. [..] Dans la cervelle la plus folle comme dans la plus sage, si on prend le temps de les déplier, on trouvera dans le fond, bien caché, comme un noyau irradiant tout le reste, un seul souci, un seul prénom, une seule pensée.

 

Je ne fais que chanter. J’écoute aussi la conversation du tilleul avec le vent. Le fou rire des feuilles dans la petite brise du soir est un bon remède contre la mélancolie.

 

Hier soir, j’avais le cafard. J’ai allumé une bougie. La lumière des lampes électriques ne danse pas assez pour chasser le cafard.

 

– Tu m’énerves. Je n’ai pas l’impression du tout d’être gâté
 – Justement. Quand on est gâté par la vie, on ne le sait pas. On finit même par penser qu’on le mérite, ou que c’est pour tout le monde comme ça.

 

C’est ainsi : les choses qui arrivent dans la vie basculent tôt ou tard dans les livres. Elles y trouvent leur mort et un dernier éclat.

 

Les cimetières de ce pays sont sans imagination, trop sérieux. Les morts sont paraît-il, de gros dormeurs. Allons les réveiller. Je prépare les oeufs durs, le vin blanc, le jambon et les gobelets en plastique.
 Manège découvre dans l’automne ses couleurs préférées : le rouge explosé des feuilles de vigne et le blanc dragée des pierres tombales. L’automne est la saison des tombes et des cartables. Les tombes sont les cartables des morts. On va au cimetière à pied, en sifflant et en bavardant. Aucune raison d’être triste. On va à la rencontre de quelqu’un qu’on a aimé et le soleil est de la partie. »

 


 

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