Narbonne ! La culture, et le patrimoine, entre le marteau et l’enclume.


A quelques dizaines de mètres des archives municipales, dont on a appris qu’elles se trouvaient dans un état peu reluisant (la faute n’en revient bien sûr pas à leur directrice, dont tout le monde loue le professionnalisme, mais bel et bien à une succession de maires ainsi qu’à l’actuel adjoint concerné, tous aussi visionnaires en matière de culture qu’une armée d’enclumes)¹. A quelques dizaines de mètres donc, la Médiathèque du Grand Narbonne s’est vu attribuer le fonds patrimonial autrefois échu aux archives municipales. Ce fonds est bien conditionné, mais surtout consultable dans des salles décentes, et même depuis votre salon car il est en ligne. Parmi les innombrables trésors proposés, les manuscrits maniaques mais si précieux pour l’histoire de Narbonne d’Antoine Bousquet (1732-1809) sont de loin mes préférés. Vous les trouverez ici . Cette inégalité de moyens flagrante repose la question d’une gestion cohérente du patrimoine et des équipements culturels à l’échelle du narbonnais. Il est effarant de voir une telle disparité de gestion sur un si petit territoire, alors qu’il n’existe qu’un seul patrimoine, constituant un seul et même enjeu de développement. Justes moyens à la Médiathèque, au MuRéNa, pain sec et eau pour les Musées de Narbonne, ses archives, l’Aspirateur, le Clos de la Lombarde. Aujourd’hui devenu peau de chagrin et ne s’impliquant plus avec autant de force dans la vie locale, l’Etat jouait jadis un rôle régulateur. Ce rôle suppose une véritable vision, et une capacité à transcender les clivages régnants. Il est à réinventer dans l’intérêt de tous. Le premier acte nous revient à nous citoyens, il consiste à remiser les enclumes à la forge.

¹Voir le billet consacré à ce sujet (ici)

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Commentaires (5)

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    Sylvain Panis

    |

    Bonjour,

    Suite à la lecture de ce billet et à l’écoute de l’émission radio « Radio Barques » du 18 février sur Grand Sud FM évoquant les Archives municipales de Narbonne, je vous prie de trouver ci-dessous quelques précisions et rectifications.

    Le fonds patrimonial de la Médiathèque du Grand Narbonne ne provient pas des archives mais de l’ancienne bibliothèque municipale. Il a ensuite été enrichi de donations et d’acquisitions ultérieures au transfert en 2003.

    La Médiathèque du Grand Narbonne ne conserve pas de documents relevant des archives. En effet, les fonds d’archives publiques et les fonds de bibliothèque ne sont pas de même nature. Les archives publiques sont essentiellement constituées de documents produits par des structures ou organismes chargés d’une mission de service public. Les archives publiques n’ont pas vocation à conserver par exemple des essais, des traités, de la littérature ou des partitions (en général des ouvrages ayant fait l’objet d’une publication via un éditeur), documents qui font en revanche partie du champ d’action des bibliothèques publiques. Inversement, les bibliothèques publiques ne conservent pas les délibérations, actes de naissance, plans cadastraux, que l’on trouve naturellement dans les archives.

    Les fonds d’archives et les fonds de bibliothèques relèvent donc de législations bien distinctes, obéissent à des classements différents et nécessitent des compétences spécifiques – un archiviste n’est pas bibliothécaire, ce sont deux métiers différents.

    Le transfert du fonds de l’ancienne bibliothèque à la Médiathèque a été formalisé à travers une délibération du 26 mai 2003. Le statut juridique des fonds est précisé par l’arrêté préfectoral du 03 juin 2013 (régime de la mise à disposition). Les conditions de conservation à la Médiathèque respectent les normes nationales et les recommandations internationales (norme ISO 11799), et ceci depuis l’inauguration de l’établissement en 2004.

    La Médiathèque ne possède aucun document du XIIe siècle ou antérieur. Elle possède un antiphonaire du XIIIe siècle, trois manuscrits du XIVe, une vingtaine de documents (manuscrits et incunables) du XVe, sur 50 000 documents conservés dans les réserves patrimoniales.

    Ce serait à vérifier auprès d’un professionnel, mais je doute que les Archives départementales aient la gestion de quelque domaine de collections relevant des Archives municipales. Les Archives départementales ont essentiellement un regard scientifique sur les fonds conservés par les municipalités.

    Est-il possible de communiquer ces rectifications auprès de Grand Sud FM ?

    Je me tiens à disposition pour répondre à vos questions et ajouter tout complément d’information.

    Sylvain Panis
    Directeur de la Médiathèque du Grand Narbonne

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      Michel Santo

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      Bonjour monsieur Panis !Et merci pour ces précisions. Le rédacteur de ce billet ne manquera sans doute pas de réagir à vos remarques et je ne manquerai pas de faire état de votre communiqué sur Radio Barques. Bien cordialement !

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    Jakin Gura-Izan

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    Merci M. Panis de ces précisions techniques. Puis-je vous en demander une supplémentaire concernant le fonds ancien ? S’agit-il d’un transfert de gestion (vous parlez de mise à disposition) ou d’un transfert de propriété (vous dîtes plus loin que la Médiathèque « possède ») ? Merci par avance !

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    Sylvain Panis

    |

    Vous touchez du doigt une question intéressante et relativement complexe. Sous réserve de l’avis complémentaire de juristes, voici la situation. Selon le Code général des collectivités territoriales, le transfert en pleine propriété n’est prévu que pour les zones d’activité et sous réserve d’actes notariés. Il en découle que tant l’immeuble que les biens mobiliers antérieurs au transfert de compétence appartiennent à la Ville et sont sous le régime de la mise à disposition (régime défini dans l’article L. 5211-5-III du Code général des collectivités territoriales). Tous les documents acquis par la bibliothèque avant le transfert (2003) sont donc sous le régime de la mise à disposition, c’est-à-dire : propriété de la Ville, mais le Grand Narbonne agit comme s’il était propriétaire. Cela signifie que le Grand Narbonne est à la fois maître et responsable de ces documents. Il se substitue à la Ville par exemple pour établir les contrats, les conventions ou en cas de contentieux (vol, détérioration). De son côté, la Ville ne peut réclamer les documents que si elle se retire de l’agglo, ou si l’agglo est dissoute, et, au cas où les collections devaient être déplacées, si elle peut prouver qu’elle dispose de locaux aux conditions de conservation plus adaptées. A noter que si l’Etat peut prouver que certains documents sont issus des confiscations révolutionnaires ou des confiscations faisant suite aux lois de 1901-1905, alors ces collections sont la propriété de l’Etat, avec un régime de dépôt – ce qui n’est a priori pas le cas des documents conservés à la Médiathèque du Grand Narbonne si on se fie à l’inventaire.
    De leur côté, tous les documents acquis après le transfert sont, selon les conventions souscrites, soit sous le régime du dépôt (le Grand Narbonne est responsable mais n’est pas propriétaire), soit sous le régime de la pleine propriété par le Grand Narbonne (documents achetés ou reçus en don ou en legs).
    Dans tous les cas – propriété de l’Etat, de la Ville ou du Grand Narbonne (ce qui rend au final indifférente la question de la propriété) –, depuis la loi dite CGP3 de 2006 du Code général de la propriété des personnes publiques, tout document ancien, rare ou précieux (à l’appréciation des professionnels) relève du domaine public mobilier. Ce qui signifie que l’Etat – via la Préfecture ou l’Inspection générale des bibliothèques – a un droit de regard, et que l’aliénation de ces documents (revente, ou transfert à une structure non publique) n’est pas autorisée.

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    jakin gura-izan

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    Merci M. Panis. A vos qualités bien connues de modestie, d’intelligence, d’érudition, de foi dans le service public, s’ajoutent celles de fin juriste. N’empêche. Pour en revenir au fonds ancien, il appartient donc à la Ville, mais est géré par le Grand Narbonne -et très bien géré d’ailleurs ! Ces disparités de gestion d’un même patrimoine continuent à me sembler bien exotiques… et vos explications rigoureuses ne me font ressentir que plus urgente la mise en cohérence à l’échelle du territoire de la gestion du patrimoine culturel.

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