Assise au bord de son petit lit, Émilienne pleure.

 
Émilienne et Manuel, son mari : sur ses genoux, Laurent…
   

Assise au bord de son petit lit, Émilienne pleure. Ses mains jointes sur ses genoux serrés, sa tête légèrement penchée et ses yeux remplis d’eau jusqu’au bord, elle me fait penser à une petite fille qu’on vient de réprimander. Tous les soirs, à la même heure, Émilienne est ainsi : une petite valise à plat sur le côté, elle attend celui ou celle qui viendra la chercher pour l’emmener « dans sa maison ». J’ai peine à soutenir son regard noyé dans un temps qui n’est plus le nôtre ; et l’évite en posant le mien sur ses mains. La trame bleue des veines semble couvrir sa peau diaphane, constellée de tâches brunes ; comme autant d’étoiles mortes. Émilienne pleure sans bruit. Elle va appeler sa mère dans quelques instants, je le sais. Dans le bourdonnement de sa conscience défilent des épisodes de sa jeunesse que je ne connaîtrai jamais. Ainsi sont séparées les générations, au temps du grand âge. Elle se rappelle des moments que je n’ai pas vécus ni imaginés. Les souvenirs sont des secrets, des mystères… En existe-t-il qui ne blessent pas ? La porte de sa chambre s’ouvre, qui laisse passer l’infirmière. C’est l’heure de sa toilette, des soins pour la nuit. Ces préparatifs l’apaisent ; calment son angoisse du soir. Je les laisse ainsi à leur dialogue fait de phrases et de gestes répétitifs. Ses larmes auront été séchées ; mais au moment de nous quitter son regard sera toujours et encore celui d’une petite fille perdue…

 

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Commentaires (1)

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    KRISDEN

    |

    « La vieillesse est un naufrage » disait le Général De Gaulle, c’est ce que chacun redoute. « Plus que la mort, je redoute le naufrage du corps, l’abêtissement du cerveau, la débâcle, la ruine, l’immobilité démente ou incontinente, la dépendance, la tutelle…..la mort avant la mort » (B.PIVOT).
    Pourquoi « la vieillesse »???

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