Au MIAM de Sète, l’Art sans libertés.

     

     

A l’heure où une polémique, aussi voulue que mince, fait écho à l’aimable création de Felice Varini sur les murs de Carcassonne, je vous invite à la découverte d’une proposition culturelle d’un tout autre ordre, je veux parler « d’EVASIONS l’art sans libertés », qui se tient au MIAM de Sète jusqu’au 23 septembre 2018.

D’abord un mot sur ce musée hors norme, le Musée International des Arts Modestes, dirigé non pas par un conservateur mais un artiste, Hervé Di Rosa, et qui s’intéresse à des formes culturelles en marge, non formatées par l’art contemporain. Par exemple les Ex Voto Mexicains (exposition en 2000), les figurines en sucre (2005) ou encore les pavois de joute (2007)…

Aujourd’hui c’est un vaste territoire que nous invite à parcourir le MIAM, celui des arts sans liberté. L’exposition s’ouvre sur Dessins Sans Papiers, collectif qui organise des ateliers de dessin dans les camps d’exilés et les centres d’hébergement depuis 2016. Les réfugiés viennent du Tchad, du Soudan, d’Ethiopie, d’Iran, de Syrie, d’Afghanistan… Leurs dessins décrivent de façon très simple leur histoire : guerres, tortures, dispersion, traversées. Hafiz Adem présente sur tout un mur son parcours qui l’a amené du Soudan jusqu’à Paris via la Libye. Des dessins doux, naïfs, pour un récit hanté par la fuite, la perte, le danger mais aussi le salut.

La seconde section Dehors Imaginaires présente des œuvres issues de l’incarcération. Travaux de prisonniers (les mouchoirs dessinés des prisonniers hispaniques aux Etats-Unis, les broderies en fil de chaussettes de Ray Materson…), mais aussi d’individus volontairement reclus (les 1300 dessins de Charles Boussion ou encore ceux, fascinants, d’Edmund Monsiel, traumatisé par la guerre et qui va rester 20 ans dans un grenier). On est immanquablement impressionné par la puissance de ces regards, de ces destins singuliers.

L’exposition est déjà riche, elle se clôt en apothéose avec Festins imaginaires, fruit d’une patiente « quête de documents inouïs, des carnets de recettes de cuisine rédigés au cœur du monde concentrationnaire ». Ecrits sur des papiers de fortune dans les camps de concentration nazis, les camps de travail soviétiques ou chinois par des individus que l’on voulait déshumaniser, ces textes minuscules, extraordinairement serrés et soignés, ont été un « moyen vital de résister à la destruction ».

Au cœur de la machine à détruire certains meurent, d’autre plient, d’autres résistent. Certains écrivent des manuels de cuisine. Mystère. Le fait est là, ces recueils sont dans leur créativité modeste et inattendue, une des formes de la survie. Comme toutes les œuvres présentées dans cette remarquable exposition.

 

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