Chronique du Comté de Narbonne.

 

 

 

Mardi 10 juillet de l’an 2012,

Le gazetier en chef du « Tirelire » narbonnais, Manuel Decuel entrerait-il en résistance, mon oncle ? Un billet au vitriol signé de sa main visant le Château, son Comte, son intendant et son porte plume en chef Patrick de la Natte semble aujourd’hui l’attester. A son dire, le trio exercerait des pressions afin de nuire à la liberté d’expression et d’action de la presse ; il voudrait empêcher notre nouvelliste d’aller chercher à sa guise, auprès de ses « sources », l’information soigneusement cachée sous la foisonnante communication comtale. Comme en son temps son irascible collègue Patrick de la Natte qui, présentement, déploie tous ses talents pour la couvrir d’une avantageuse montagne de papiers glacés. Il est payé pour ça, précise-t-on chez les cyniques ! Et très bien, se gausse-t-on chez le sieur de la Brindille entre amateurs de cigares aux exotiques arômes . Ce qui donne du prix à la haute opinion qu’il se faisait de lui même et de sa vocation d’œuvrer pour le « Bien Public », quand il se lâchait quotidiennement sur le Duc de Lemoyniais, alors régnant sur nos terres narbonnaises. Nous voilà donc dans une bien étrange situation, mon oncle, avec, au château, l’ancien gazetier en chef  de la Natte « enfumant » l’opinion et, dans ses anciens bureaux, son successeur, qui prétend l’éclairer. Plus personne n’accordant la moindre parcelle de crédibilité à nos feuilles comtales, il était temps que s’affirmât enfin un sursaut de dignité rédactionnelle. Au risque de nous intéresser qu’aux brèves rubriques nécrologiques, les seules où l’information semble assurée de quelque vraisemblance. Ce que nos anciens résumaient par l’adage bien connu : « Le Tirelire quatre pages et rien à lire. ». Le rêve du Comte, qui  voit dorénavant  tout en grand comme un joueur de castagnette, de régenter l’information de la dite gazette, semble donc tourner à l’investissement improductif.  Et selon une immuable loi bien connue des gens de pouvoir, le sieur Decuel devrait multiplier son zèle à démentir toute allégeance à proportion des intentions qu’on lui prêtait de vouloir s’y complaire. Les temps qui viennent seront propices à cette soudaine transgression d’un « ordre moral et politique » dont  rien pourtant ne paraissait en pouvoir déranger l’ordonnance. Mais la guerre des deux roses et la dissidence de Bodorniou ont profondément divisé les élus, les cadres et les agents du Comté ; les anciens comme les nouveaux. Des fissures apparaissent dans «  l’appareil » comtal : on administre des règlements de compte à tous les étages et des bouches longtemps cousues s’ouvrent à d’autres oreilles, ce que le nouvel intendant, au physique d’abbé, formé chez les mousquetaires du Roi à l’inconditionnelle obéissance, s’efforce vainement de faire taire. C’est Alain de Pareo qui doit apprécier ! De tout cela, qui n’est pas propre à cette gestion comtale, mon oncle (la couleur des oriflammes est indifférente en effet au souci de tout pouvoir de s’assurer le silence et la complaisance de ses sujets), et des vrais enjeux de pouvoir au sein de cette maisonnée, Manuel Decuel devrait pouvoir nous en informer ; que risque-t-il sinon le déshonneur ! Après tout, mon oncle, c’est son métier. Mais peut-être que je rêve et que cette humeur d’un jour n’était qu’une simple diversion. Une de plus ? Patientons donc, et réservons notre jugement pour plus tard, sans désespérer que des esprits libres enfin osent faire entendre leur voix.

Avant hier, mon oncle, je dînais chez l’ami Sylvain, au « Tournebelle ». On y mange des « plats » simples et de qualité dans une ambiance calme et détendue. A portée de regards, de lourdes et paisibles péniches, comme une invite à de mols et langoureux voyages. Ce soir là, la lune était rousse au dessus de la Clape ; dans les rizières, sa lumière  les fardait d’une étrange couleur ; un héron solitaire, traversant son image, soulignait de son vol lent la beauté de cet instant. Un moment suspendu, comme une phrase, quand on aurait trop de choses à dire.

Je t’embrasse !

 

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