Chronique du Comté de Narbonne.

Narbb

Lundi 1 juillet de l’an 2012,

Hé bien, mon oncle ! nous voilà donc, enfin, dans la gestion des affaires du Royaume. Notre bon roi François, qui nous avait promis de fesser l’opulente Mèrequel, s’en revient de Belgique avec quelques petites pincées d’écus pour relancer une hypothétique croissance et de grosses mesures d’austérité pour diminuer nos  déficits publics.

Les coups de trompettes et les flonflons de ses communicants ne sonnent plus qu’’une petite retraite et le « rêve français » promis au bon peuple  prend des airs déjà bien connus et bien peu excitants. Le coup de cymbale mettant fin à la récréation vient d’être donné par le premier président de la Cour des Comptes , le ci-devant et ancien député rosien Didi Rigaud, qui renvoie dos à dos, ce jour même, le camp du bleu et celui de la rose. La rigueur est à l’ordre du jour, mon oncle !  Finie la fête et bonjour la gueule de bois. Disant cela, je pense à celle des immenses bataillons de la fonction publique d’ Etat et des petites et grandes baronnies, qui prirent partie pour notre présent Roi et qui devront supporter un sérieux tour de vis sur leurs effectifs et leurs salaires. Des mesures cependant nécessaires qui, jadis,  jetaient dans les rues, à leurs seules annonces, des milliers de manifestants. Verra-t-on les mêmes ardeurs s’opposer au Conseil Royal et à la Cour? Je ne le pense pas, mon oncle, et crois plutôt, comme cela se fît naguère, quand gouvernait  Jospinus, que ce qui ne fut fait par le parti bleu le sera par le parti rose. Jouissant d’une préférence politique auprès de populations réticentes à certains sacrifices, les rosiens sauront les leur faire accepter. Son inévitable prix politique, car il y en aura un, sera, lui, réglé beaucoup plus tard. Comme d’habitude, allais je écrire… Tout changer pour que rien ne change, disait déjà Tancrède aux oreilles de son oncle, le Prince de Salina ! Ainsi va l’alternance, soumise aux ruses de l’histoire. En attendant ces heures sombres où provinces, baronnies et marquisats seront enfin soumis à la diète, le sieur de Bouquetin, présent Roi de Septimanie, lui, s’offre des ambassades aux quatre coins de la planète. C’est en terres mahométanes qu’il vient d’ouvrir en grandes  pompes la dernière de ces onéreuses tocades. Une cour de cent personnes l’accompagnait aux frais de la province où l’on vît même une escouade de « viticulteurs » assurés de ne rien pourtant vendre en pays musulman, cotoyer des professeurs d‘université aux profils de touristes ; sans oublier l’inévitable cohorte des gazetiers assignés à l’image de leur hôte. C’est ainsi qu’on achète la presse, mon oncle. Demain, elle serait invitée au Groenland, qu’elle en glorifierait ses bienfaits économiques et commerciaux pour nos producteurs d’asperges. De cela dont je te parle en toute liberté, mon oncle, une « pintade » comtale, c’est son nom d’emprunt pour rester anonyme, m’en fait l’amer reproche. J’aurais perdu l’estime de moi, rien produit dans ma vie, n’aimerais point le monde et le peuple dont je viens, que  je mépriserais. Diantre ! Mes chroniques seraient aussi pontifiantes ! Que répondre à ces cacabes- c’est le nom du cri de ce gallinacé- ?Que le monde que j’aime, n’est pas celui dans lequel cet oiseau semble se complaire, au risque d’en perdre la raison; que je n’ai rien oublié de mon histoire familiale, de mes engagements, de mes passions; qu’à regarder ma vie, en toute modestie, je ne la trouve point déshonorante; que j’ai toujours conservé l’ esprit rebelle et la lucidité transmis par mes parents, et que l’estime que je me porte est sans doute bien plus légère que celle que beaucoup d’autres s’attribuent. Mais surtout, mon oncle, à cette sorte de poule ridicule sur ses deux maigres pattes perchées toujours courant en bande, la croupe tremblotante et les yeux affolés ; à ce cocasse volatile galliforme, je voudrais surtout dire que loin d’être infidèle à « ce petit peuple » dont je viens, en effet, et qu’il connaît si mal, j’ai, au contraire, le vif sentiment, en tirant les masques des « puissants » de tout acabit, de lui exprimer ma tendresse et mon respect. Rien n’est jamais perdu, comme rien n’est jamais acquis à l’homme,n’est ce pas mon oncle ? Ni sa force, ni sa faiblesse. Aragon le dit si bien, que je ne saurais mieux dire. Comme lui, j’aime le monde ; et comme lui, je l’aime à ma façon. Comme je refuse à quiconque de m’en tracer le cours. Au risque d’en parfois perdre le sens ; mais c’est le prix de la liberté, ainsi que vous me l’enseignâtes. Et c’est ainsi que j’entends vous rester fidèle.

Bonne journée, mon oncle !  

 

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Commentaires (2)

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    raynal

    |

    Ce qui me laisse pantois dans ce pays c’est cette surprenante prédisposition d’une grande partie du corps electoral a endosser le role sans cesse renouvelé du cocu magnifique….

    Voilà, en effet, des decennies que les memes tartuffes ou leurs héritiers (car cette engeance perdure ) leur jurent_ croix de bois, croix de fer si je mens je vais en enfer_ qu’avec eux va enfin
    s’imposer le règne de la justice, de la fraternité et du bonheur sur la terre.

    Des décénnies également que, leur but atteint, leur hold up réussi, confortablement installés, le cul bien au chaud dans leur voiture de fonction et se frottant les mains très peu calleuses dans
    la satisfaction de l’oeuvre accomplie, ils demandent a ce qu’on leur cache ce peuple qu’ils ne sauraient voir qu’au moment de briguer ses suffrages.

    De temps a autre (heureusement ), l’imposture, le mensonge, l’hypocrisie deviennent trop criants, meme le gogo de base le perçoit et ils sont renvoyés a leurs chères études (qu’ils n’ont pour
    beaucoup jamais terminées)…

    Mais ce chiendent là est particulièrement vivace et, tels des phoenix, (la gloire en moins ) les voilà qui renaissent et rentrent par la fenetre après qu’on les aient mis dehors par la
    porte….Bonimenteurs de  foire, camelots sans principes, vendeurs a l’encan de lendemains qui ne chantent que pour eux memes…!

    Il faut dire que, comme tous mercantis avisés,ils ont trouvé le truc, la niche, le créneau…là ou ils ont compris depuis si longtemps que la spéculation etait gagnante a tous coups…L’éspérance
    humaine, toujours là, présente, l’attente éperdue et immémoriale d’une societé meilleure, le reve éveillé d’une fraternité vivante…Toutes ces fragiles et belles choses lovées, malgré tout, au
    coeur de tous les hommes sous les fatras et les décombres des illusions effondrées…

    Et ils en usent…Ils en abusent, c’est leur fond de commerce, tu comprends…Ils puisent dedans a pleines mains, la lippe gourmande, l’oeil luisant de convoitise…Dilapideurs d’esperances,
    sachant pertinemment qu’ils ont trahies, trahissent et trahiront ces valeurs les plus sacrées qui etablissent encore la dignité humaine…

    Mais que pése tout cela devant un portefeille…?Portefeuille…Quel joli nom pour des gens chez qui il est de si bon ton de professer le mepris de l’argent…L’argent des autres, bien entendu…

    J’ai grand peur que le normal ne devienne très vite le commun, le commun n’etant jamais très loin du vulgaire, lequel, on le sait est proche du meprisable…

    Lu ce matin, un peu de Duhamel(chronique des Pasquier ), preuve que le talent (valeur inconnue dans le petit monde des pintades )traverse les époques et perce au vif par la lucidité qui
    l’accompagne le fonctionnement des sociétés humaines.

     »quand un homme de bonne culture se tourne vers la politique c’est qu’il est inutilisable dans la profession qu’il avait semblé choisir, c’est qu’il n’est plus bon a rien. L’etat est gouverné
    par le rebut de toutes les carrières honorables…Au fond le peuple méprise la culture car il voit qu’elle n’est pas nécessaire pour occuper les plus hautes places, il comprend que l’on peut s’en
    passer.Ainsi, le pouvoir tombe aux mains des gens les moins dignes.

    Malheureusement les gens qui aiment leur metier et qui l’exercent avec talent n’acceptent pas de le quitter pour devenir les valets de la racaille electorale. Ce peuple sait très bien qu’un homme
    pris au hasard ne peut pas en quatre ou cinq mois ou meme en quatre ou cinq ans devenir un savant, un chirurgien ,un artiste…Mais il sait que le premier venu, grace a la politique,peut s’assoir
    en très peu de temps dans le fauteuil des maitres et, qu’une fois dans ce fauteuil, il pourra se faire obeir non seulement des valets, mais aussi des savants, des professeurs, des artistes de
    tous ceux qui ont donné leur vie pour connaitre quelque chose et faire correctement un travail déterminé. »

    Excuse moi, Michel, si j’ai été un peu long, je ne voudrais pas phagocyter un site qui est le tien de plein droit, mais les pintades ont ceci de bon que leur déhanchement ridicule me donne
    toujours l’envie de leur mettre mon pied dans le fondement…Mais, bien heureusement, je n’ai qu’une plume en guise de brodequin, il m’arrive de le regretter.

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    Michel Santo

    |

    Ce site est le tien Jacques! Et tes commentaires un régal. Pour moi, qui connaît ton talent nourri aux plus belles oeuvres de l’esprit; et pour mes lecteurs qui découvrent une plume lucide et
    sans concessions, sinon de style, c’est dire! Continue ami. Me viens à l’instant une idée que je te soumettrai tantôt…

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