Chronique du Comté de Narbonne.

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Mercredi 2 mai de l’an 2012

Mon très cher oncle !

Qu’elle ne fut pas ma surprise, ce matin, à cette heure exquise du petit déjeuner, en ouvrant le paquet de courrier obligeamment déposé par mon aimable et fidèle Hector sur l’habituelle desserte, comme à l’accoutumée, d’y trouver deux lettres vulgairement anonymes. Courtes, mal écrites et truffées de fautes en tous genres, comme un chien peut l’être de grandes taches noires, leurs auteurs, du parti de la rose, se lâchent au motif que, jadis, je conseillai le duc de Lemonyais ; un office, à leurs dires, dont j’aurais tiré d’illicites profits.Tiens donc !? Et puis quoi encore ? 

Je ne te rapporterai pas cette sorte de comportement, mon oncle, s’il n’y avait, en la circonstance, matière à en tirer quelques enseignements; en ce Comté, comme en d’autres assurément de couleurs différentes.

Dans une de mes dernières chroniques où je disais de Dino et Shirley qu’à se lancer dans un assaut contre le sieur Lemaillet  au motif que, de son temps, le Comté étouffait sous le clientélisme, le copinage et les prébendes, ils risquaient de se voir rappeler l’origine de leurs présentes charges.

Ce que je fis ; mes deux épistoliers, en fidèles facteurs de nos deux duettistes, n’ayant guère apprécié. Mais qui puis-je, puisqu’il s’agit de vérité ; et qu’à tirer bassement sur un adversaire et ses privilèges supposés, il convient soit même de n’en point bénéficier. Mais vois tu, mon oncle, au lieu d’en prendre quelque graine, on préfère insister, comme si, de prébendes, compromissions, favoritisme et autres facilités, le parti  de la rose, du Bien et de la Vertu réunis en était originairement exonéré. A défaut d’arguments sur cette triste réalité, qui vaut pour tous les temps et tous les camps, rose, bleu ou blanc, on préfère donc me nuire, en instillant de perfides contre vérités –  moi qui ne cherche en rien quelque avantage dans cette bataille de chiffonniers. S’ils s’étaient contentés d’affirmer que copain j’étais du duc de Lemonyais ! Et alors, qui ne le sait en ce Comté ! Loin d’être une tare et d’en être outré, je l’aurais revendiqué jusqu’à ce qu’on me prouve son éventuelle indignité. Et de De Dino et de Shirley, faut-il le préciser, ce n’est pas leurs offices et leurs affinités qui, en soi, seraient à condamner, mais bien plutôt, par eux, de les voir condamner chez les autres .Vois tu, mon oncle, cette petite histoire illustre, s’il le fallait, que la pauvreté de la pensée, surtout quand elle déploie ses filets dans ces saumâtres eaux, est toujours compensée par d’affligeantes provocations ; et qu’il convient de se tenir toujours préparé contre les attaques des rustiques, des opiniâtres, des présomptueux, et de tous les autres impertinents. Le plus sûr étant de s’en détourner, en prenant d’Ulysse des leçons de finesse, d’élégance et de style ; ce que modestement j’essaie !

A propos de style, justement, mon oncle, si nos deux mercenaires  trouvent le mien agréable, ils éprouvent néanmoins un certain malaise à me lire «comme on lit du Brasillach (?) ou du Drieu la Rochelle», disent-ils. Ciel ! Passons vite sur l’escamotage du nom du premier et doutons de leur connaissance littéraire du second. Mais l’allusion, mon oncle ! Car du style: ils s’en moquent ; et  de Saint Simon ou  de Montesquieu : ils le goûtent si peu. A l’évidence, ils l’ignorent. Je serais donc un petit nazillon: voilà donc l’outrage que ces deux imbéciles me réservaient ; sans savoir, tant leur bêtise est sans bornes, que le style est « l’homme même »; et que le leur, sans qu’ils s’en rendent compte, est dans le ton et l’esprit des séides amis de ce Raymond Brasillach. Ces sinistres individus portaient chemises noires et bérets de la même couleur sur leurs crânes; aux pieds des chaussures ferrées, à la taille des ceinturons en cuir. Ils lisaient chaque matin «Je suis partout», et, un soir, emmenèrent mon grand père dans un train… pour Buchenwald !

Le style est l’homme même, oui ! Mon Dieu, oui ! et il révèle de biens étranges et ténébreux fantômes. En littérature, comme en politique, comme dans la vie en général l’on ne peut jamais disjoindre tout à fait la forme du fond, l’éthique de l’esthétique. C’est la deuxième et ultime remarque que je voulais ici, mon oncle, non pas à toi rappeler, mais convoquer à notre présente délibération épistolaire pour te remercier de me l’avoir un jour enseignée.

Je ne te quitterai pas enfin sans une pointe d’humour, mon oncle. Les plus involontaires sont souvent les plus drôles. Lis donc ceci: «En ce XVIIème siècle des fabulistes, il ne faudrait pas que quelques affabulateurs oublient la fable de la poutre et de la paille». Un sommet d’ignarerie et de pédantisme à la fois, qui prend Luc, le Saint, pour la Fontaine, qui se voit lui même alloué la parabole prononcée par Jésus- Christ dans son sermon sur la montagne! Comment la bêtise peut-elle en arriver à ce point de délire et le vide à tant de pesanteur, mon oncle ? Dieu seul le sait ! me dirais-tu. Paroles d’Évangile qui me rappellent à mon devoir: celui du pardon des offenses; et de préférer la gloire du pardon au plaisir d’une vengeance. Allons de l’avant, mon oncle! Regardons le monde avec tendresse, malgré tout; et avec ironie, toujours. Le ciel est bleu ce soir…

Je te souhaite une bonne nuit !

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Commentaires (2)

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    SIDOBRE

    |

    Un curé me disait :  » Il faut donner à chaque bête de son foin « …

    Alors, il convient de répondre à ses ignares :  » La bave du crapaud n’empêche pas la caravane de passer »… Ce qui laisse un espoir d’humidité en ses zones arides.

    Mes amitiés,

    Michel

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    raynal

    |

    Il semble que nous n’ayons plus de nouvelles de nos duettistes, les Dupont et Dupond de la controverse ?

    Je ne peux pas croire que de tels bretteurs, ces chevaliers de la rose a la triste figure se soient ainsi découragés dès le premier semblant d’assaut !

    Ont ils été se ressourcer a un quelconque meeting et dès lors vont ils nous revenir, ragaiilardis, bardés d’enthousiasme et de nouvelles convictions ?

    Je l’espère car ils me manquent déjà…

    Et puis, tu l’admettras  »A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire »

    (Non, Romain, ce n’est pas de Saint Marc….Non, pas de Martine Aubry non plus…C’est de Corneille )

    Et puisque nous voici dans les hautes considérations, je voudrais, si tu me le permets, dédier a Benoit, Romain ainsi qu’a tous les militants de gauche, de droite, du milieu et d’autres
    improbables ailleurs cette pensée de notre très vénéré et très regretté Lucien Jerphagnon.

     »Tous ceux qui sont remplis de certitudes sont au moins certains de se coucher le soir aussi cons qu’ils se sont levés le matin  »

    J’ajouterais, en guise de modeste contribution a  la pensée de notre illustre maitre, que pour moi un con de droite + un con de gauche cela ne fait jamais que deux cons tout court.

    Mais je sais que toi aussi tu en es convaincu…

    A toi.

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