Greta Thunberg : ce que révèlent les « passions » et les attaques dont elle fait l’objet…

 

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Nous venons de vivre une séquence médiatique emblématique des deux idéologies en passe de s’imposer et de converger dans les représentations que nous nous faisons de notre avenir sur cette terre, et les formes de gouvernement des communautés politiques qui organisent le présent et anticipent le futur.

 

De cette convergence idéologique, les « médias » et une large fraction de la classe politique hostile au libéralisme économique et politique ont fait d’une jeune fille de 16 ans,  reçue dans une salle de l’Assemblée Nationale, la prêtresse intouchable de l’apocalypse à venir si la terre ne refroidissait pas — très vite ! Intouchable parce que « jeune » et  parce que « jeune » souffrant d’une forme d’autisme, de surcroît — Je note, au passage, que des prophètes de notre tradition religieuse (et non des moindres), s’il ne l’étaient pas, autistes (encore que : qui sait ?), souffraient eux aussi d’un « handicap » (bégaïment, boîtement …)*

J’observe, en outre, que, pour sortir de cet « enfer programmé par nos sociétés démocratiques » (les premières, pour ne pas dire les seules visées), le salut de l’humanité commanderait, exigerait, une radicale et sévère austérité. Diminuer significativement l’incontestable — je suis dans l’obligation de le préciser, au risque de procès en climatosepticisme — réchauffement climatique, et sauver l’humanité, implique en effet, nous dit-on, collectivement et individuellement, moins de production et moins de consommation de biens et services carbonés, moins  de circulation, des hommes et des marchandises… et moins de procréation, afin de diminuer la masse mondiale de consommateurs etc. **

Qu’on ne s’y trompe cependant pas : ces objectifs sont largement et puissamment soutenus par d’éminents scientifiques. Ce qui m’amène d’ailleurs à relever ce paradoxe étonnant de membres de la communauté scientifique validant  la dénonciation d’une société dont le mouvement est pourtant grandement fondée sur l’innovation, la recherche scientifique et technique, et le libre débat démocratique. Des scientifiques ne croyant pas en la science  et  la technique pour résoudre les probllèmes environnementaux posés à lhumanité et rejoints, en cela même, tout aussi paradoxalement, par les divers courants idéologiques conservateurs et « révolutionnaires » hostiles aux principes « libéraux » qui organisent nos sociétés.

En décembre 2018, le physicien américain, Dennis Meadows, jugeait que « notre mode de vie gourmand en biens matériels et en énergies fossiles n’est pas soutenable » et en concluait que « la démocratie a échoué à traiter le problème environnemental ». Pour l’astropysicien Aurélien Barrau, « c’est la vie elle-même qui est en train de se mourir sur la planète. » et d’exiger « du pouvoir politique qu’il impose le nécessaire. C’est sa raison d’être, son droit et son devoir. » Quant à Nicolas Hulot, il se sentait, déjà en 2008 plus séduit quand il discutait avec un Cohn-Bendit (il ne dirait pas cela aujourd’hui) ou avec un Besancenot. (JDD 30 mars 2008). Bref, l’écologisme dans sa version la plus « pure », qu’on le tourne dans tous les sens possibles, si je puis dire, est à la fois antilibéral et anti démocratique.

Sylvestre Huet (journaliste spécialisé en science), qui rend compte, dans son blog, du  premier rapport du tout neuf Haut Conseil pour le Climat, fait observer, lui-même que, sous son vocabulaire châtié et son style technocratico-compatible, ce rapport cache en réalité « des propositions qui frisent la Révolution ». Ainsi, rendre efficace la proposition n°1 du HCC (ci-dessous)

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supposerait, si on le suit : « que l’on y ajoute un élément décisif avec une conséquence mécanique pour les élus – députés, sénateurs, Président de la République – et gouvernants qui auraient échoué à atteindre l’objectif climatique fixé par la loi et nos engagements internationaux. Cet élément pourrait être celui-ci : si, en fin de mandat, on constate que les émissions de GES ont dépassé les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone, alors, les députés, sénateurs, Président de la République sont inéligibles à l’élection qui suit et les membres du gouvernement sortant sont inéligibles et interdits de nomination comme ministres. Cette mesure de salut public serait, au moins dans un premier temps, un très efficace moyen de renouvellement des élites… »

Si je suis incontestablement favorable à une remise en cause de nos modes de vie et de comportement, par la loi, y compris (je n’ai cependant besoin de personne pour me conformer naturellement à ce qui me semble compatible avec un état futur de la planète vivable), je refuse toutefois de cautionner un affaissement de la pensée critique et rationnelle sous le poids de sermons catastrophiques et  la manipulation des esprits par la peur. Je ne crois pas non plus qu’il faille l’instauration de formes de gouvernement autoritaire et la fin des échanges commerciaux pour y parvenir.

De ce point de vue, l’agenouillement d’élus de la République devant Greta Thunberg avait quelque chose qui ressemblait à un conte de fées pour adultes  et de coups de com pour des politiques à la recherche de « niches » idéologiques et de parts de marché. D’un autre côté, le déferlement d’attaques d’une violence inouïe — celle de Michel Onfray battant tous les records  — sur cette jeune personne, rassemblant tout ce que la médiasphère contient de chasseurs et de coupeurs de têtes de tous bords, m’a profondément troublé… ému et scandalisé. Deux formes d’indignité intellectuelle qui finalement « marchent » ensemble…

 

*Selon l’argument classique des exégètes bibliques : nos faiblesses sont un atout, elles ne disqualifient pas, bien au contraire, pour être utilisées par Dieu…

** Le tout empaqueté sous l’argument de la réduction des inégalités Cf Piketti « La réduction drastique du pouvoir d’achat des plus riches aurait donc en tant que telle un impact substantiel sur la réduction des émissions au niveau mondial. Par ailleurs, on voit mal comment les classes moyennes et populaires des pays riches comme des pays émergents accepteraient de changer leur mode de vie (ce qui est pourtant indispensable) si on ne leur apporte pas la preuve que les plus aisés sont mis à contribution. » Alors que la véritable raisons de cet argument moral est d’anhihiler le désir d’imiter un comportement social jugé supérieur car il « constitue l’un des déterminants principaux des motifs de consommation, un phénomène de mimétisme qui accélère la dynamique d’émissions intensives quand la référence est celle du dernier percentile, c’est-à-dire des 1 % les plus riches.»

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Commentaires (3)

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    Aimé COUQUET

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    Dans un twit accusateur, Emmanuelle Ménard députée de Béziers et épouse du maire de la ville rêve de la fessée pour cette jeune fille iconoclaste !

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    Michel

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    Ton article sur le climat et la prestation de la jeune personne sympathique amenée devant l’Assemblée Nationale, je ne sais par quelle « magie » … communicationnelle je suppose, est très intéressant (comme l’immense majorité de tes « papiers » – peut-on encore parler ainsi de papier ???)

    Toutefois, je ne suis pas d’accord avec un point relevé au 4°§ où tu parles de « paradoxe ». Si je prends celui-ci tel quel, il n’y a selon moi, pas du tout de contradiction entre la science, la recherche scientifique et les conclusions qualifiées ici de « révolutionnaires ».
    Il me semble au contraire que c’est là un seul et même « mouvement de pensée » que celui de la science « positiviste » (en cela qu’elle s’intéresse uniquement aux phénomènes objectifs) et celui de la « critique sociale et révolutionnaire » que l’on résume souvent par le « marxisme » (qui est, comme nous devrions tous le savoir, la plus grande contradiction de la pensée de Marx). (On parlait d’ailleurs de « socialisme scientifique » me semble-t-il.)

    Mais, surtout, la démarche scientifique prétend décrire le réel tel qu’il est. La révolution, le faire tel qu’il devrait être. Ceci de façon absolue et sans contradiction possible.
    Ainsi, lorsque nous pensons que ce qui est découle toujours et en tout cas, chaque fois par conséquent, d’une cause, toujours la même et en toute circonstance, nous ne sommes peut-être pas des « savants » mais nous sommes des « scientistes ». Il faut beaucoup d’efforts pour ne pas être ainsi. Notre histoire, notre culture, nos religions nous disent que là se trouve la vraie pensée. Et ceux qui critiquent parfois la science ne le font que lorsque cela dérange quelque chose en eux, pas dans tout le reste de leur vie.
    La science, dans l’organisation de la société, ne peut pousser qu’à un radicalisme révolutionnaire (quelle que soit sa couleur car le Kamarade Adolf, aussi, était révolutionnaire à ce qu’il disait, n’est-ce pas ?).
    Il faut une dose d’abnégation considérable pour être démocrate, pour être « pragmatique » aussi (encore que ce terme est beaucoup plus ambigu, mettant le réel avant toute chose et retombant, quand c’est le cas, dans le « scientisme »), pour être « libéral » sans être doctrinaire. Il faut même être un peu « instable » pourrait-on dire.
    Et en fait, dans le « paysage politique » j’en vois bien peu de femmes ou d’hommes qui me paraissent avoir cette capacité ! Aujourd’hui, puisqu’il faut avoir des « convictions », des « valeurs » … il n’y a plus que des « certitudes ».
    Si l’on est si sûr, il ne faut pas s’étonner qu’il n’y ait que des conflits, des déséquilibres et tout le reste qui va avec…

    Peut-être pourrions en causer un jour, par exemple lors de Visa pour l’image. Qu’en dis-tu ?

    Avec mon amitié,

    Michel

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      Michel Santo

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      Bonjour Michel ! J’ai lu attentivement ton commentaire. Je note, parce que tes remarques sont justes, que j’aurais dû préciser ma pensée. En effet, le paradoxe que je voulais «pointer » est celui d’un mouvement qui développe une stratégie de la peur en jouant sur les passions humaines les plus élémentaires, tout en faisant référence à des analyses scientifiques sectorielles, comme celles des climatologues du GIEC… Mais je devine déjà ce que tu pourrais me répondre. Après tout, en effet, les « socialistes du 19eme siècle » ne défendaient-ils pas une science de l’histoire pour justifier et légitimer une politique économique et sociale fondée sur des passions ou désirs humains comme ceux d’égalité, de liberté et de fraternité, notamment. Cela dit on sait à présent ce que ce type de société a produit ! Et puis, les sciences humaines ne sont pas d’égal statut que les autres, me semble-t-il. Enfin, de tout cela on en discutera de vive voix. À bientôt !
      Bien à toi !

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