Images de la France.

Lisant les deux derniers textes publiés par JLHussonnois  sur le Visage de la France et celui de sa jeunesse, qui n’existerait pas, des textes nimbés d’une nostalgie sur la nôtre qui ne fut pas non plus exempte des ridicules de l’actuelle, et relisant ceux rassemblés dans « Regards sur le monde actuel et autres essais » de Paul Valéry, je ne résiste pas au plaisir de citer cet extrait (pages 97 et 98, dans l’édition de 1945), écrit en 1927 (!!!), sous le titre : « Images de la France ».Pas un mot à retirer.Une sorte de perfection dans l’analyse et la forme… 

 

 

 

 

« Il n’est pas nation plus ouverte, ni sans doute de plus mystérieuse que la française ; point de nation plus aisée à observer et à croire connaître du premier coup. On s’avise par la suite qu’il n’en est point de plus difficile à prévoir dans ses mouvements, de plus capable de reprises et de retournements inattendus. Son histoire offre un tableau de situations extrêmes, une chaîne de cimes et d’abîmes plus nombreux et plus rapprochés dans le temps que toute autre histoire n’en montre. A la lueur même de tant d’orages, la réflexion peu à peu fait apparaître une idée qui exprime assez exactement ce que l’observation vient de suggérer : on dirait que ce pays soit voué par sa nature et par sa structure à réaliser dans l’espace et dans l’histoire combinés, une sorte de figure d’équilibre, douée d’une étrange stabilité, autour de laquelle les événements, les vicissitudes inévitables et inséparables de toute vie, les explosions intérieures, les séismes politiques extérieurs, les orages venus du dehors, le font osciller plus d’une fois par siècle depuis des siècles. La France s’élève, chancelle, tombe, se relève, se restreint, reprend sa grandeur, se déchire, se concentre, montrant tour à tout la fierté, la résignation, l’insouciance, l’ardeur, et se distinguant entre les nations par un caractère curieusement personnel.

 

Cette nation nerveuse et pleine de contrastes trouve dans ses contrastes des ressources tout imprévues. Le secret de sa prodigieuse résistance gît peut-être dans les grandes et multiples différences qu’elle combine en soi. Chez les Français, la légèreté apparente du caractère s’accompagne d’une endurance et d’une élasticité singulières. La facilité générale et l’aménité des rapports se joignent chez eux à un sentiment critique redoutable et toujours éveillé. Peut-être la France est-elle le seul pays où le ridicule ait joué un rôle historique ; il a miné, détruit quelques régimes, et il y suffit d’un mot, d’un trait heureux (et parfois trop heureux), pour ruiner dans l’esprit public, en quelques instants, des puissances et des situations considérables. On observe d’ailleurs chez les Français une certaine discipline naturelle qui le cède toujours à l’évidence de la nécessité d’une discipline. Il arrive qu’on trouve la nation brusquement unie quand on pouvait s’attendre à la trouver divisée. »

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