Indifférence aux mots et vanité de nos indignations…

   

Hier soir, je commençais l’écriture d’un billet par cette phrase : « J’apprends, ce jour, qu’à Paris, le colonel Beltrame a désormais son jardin et qu’il n’était pas mort en héros, le 23 mars 2018, à Trèbes, mais en victime de son héroïsme, comme le précise insensément la plaque érigée en sa mémoire le 26 février 2020. » ; et me suis arrêté net, le point final posé. Le sentiment brûlant de tomber dans le piège à clics ou à like avec le désir, plus ou moins conscient, d’en rajouter dans l’indignation collective qui, comme une gigantesque nuée de criquets, se propageait sur les réseaux sociaux : twitter et facebook, sous les plumes pourtant les plus « éduqués », les plus bassement politiciennes et vulgaires n’étant pas en reste, ravageant tout de l’actualité du jour sur son passage, venait de s’imposer à ma conscience. Je ne sais si je dois ce salutaire sursaut moral à la silhouette longue et courbée de mon voisin entre aperçue dans la lumière blafarde d’un réverbère ou à un éclair de lucidité, toujours est-il que je laissais tomber là ce bout de « papier » tout en méditant sur l’effondrement de notre langue : le charabia journalistique et politicien, envahit par la novlangue des communicants et des commerciaux de la sphère marchande, en étant le principal responsable. Il aura donc fallu huit mois pour que l’on découvre, par quels hasards ? , l’absurdité de ces quelques mots d’hommage rendus au colonel Beltrame, me disais-je. Huit mois ! huit mois alors que tant « d’intelligences » participaient au dévoilement de cette plaque et tant d’autres à son commentaire dans la presse ou, sait-on jamais, lors de solitaires et solennels recueillements. Et comment ne pas ressentir une profonde tristesse devant cette indifférence générale au sens réel des mots ; indifférence qui, finalement, n’a d’égale que la vanité de nos ostentatoires et moutonnières indignations, pensais-je, ce texte fait, au moment d’éteindre mon ordinateur. Il était alors précisément minuit !

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