J’ai vécu un bien étrange moment dans mon bureau de vote…

J’ai quitté ma cabane de bord de mer hier soir et fait les quinze kilomètres qui me séparent de ma résidence, afin d’y pouvoir voter le plus tôt possible. Je voulais éviter à tout prix de trop longues files d’attente devant les isoloirs et ne pas subir la très forte chaleur des jours précédents dans la « salle des mariages » de l’Hôtel de Ville – salle pour l’occasion exceptionnellement consacrée à la votation républicaine. Eh bien, ma foi, j’ai été gâté ! De bons gros orages rafraîchissants, ce matin, sont en effet tombés et point, ou si peu, d’électeurs à faire longuement et civiquement la queue. La surprise cependant fut de trouver devant moi J. Je le croise souvent dans la rue et échangeons toujours quelques mots. J. est ce qu’on pourrait appeler un râleur génétiquement constitué avec de forts penchants paranoïaques. Je n’imaginais donc pas le trouver là, sa carte d’électeur à la main. Agité, comme d’habitude, je le sentais en cette circonstance particulière, disons très mal à l’aise. Il se demandait, à haute voix, ce qu’il faisait là, face à la table sur laquelle étaient disposés les bulletins des candidats ; pourquoi n’y avait-il pas de photos les présentant ; comment il allait faire !…Pour finir par réclamer aux assesseurs, dans un langage confus, les noms figurant sur les petits tas de papier colorés. C’est alors que j’ai compris que ce que je pensais être une de ses habituelles manifestations de mauvaise humeur, n’était en réalité qu’une pauvre comédie destinée à voiler son incapacité à lire ces imprimés. Du moins, de ses faits et gestes, je ne pouvais qu’en tirer cette conclusion. Sans en être certain, toutefois, car rien ne pourra jamais briser son « secret » – qui est aussi sa dignité. Après le rituel « A voté ! », nous nous sommes dirigés vers la sortie. Dehors, il pleuvait. Sur le pas de la grande porte de l’Hôtel de Ville, à couvert, J… , tout en levant ses yeux au ciel, « s’en est pris » alors « au petit Jésus » qui, décidément, n’avait lui aussi aucune pitié ; puis il s’en est allé, maugréant, à grands pas, en direction du marché de plein air. Ses bras faisaient des moulinets… Il est 23 heures, à présent, et j’avoue, écrivant ces lignes, ne rien savoir encore des résultats de ce premier tour et des déclarations des représentants des principaux partis. J’essaie plutôt de comprendre ce que cette scène révèle, de manière générale, de vérité ou de simulacres et songe à une allégorie du temps présent. Demain, je saluerai aussi, sans qu’il le sache, un « autre » J. La « folie » apparente de certaines personnes ou situations révèle parfois des pans entiers de vérités cachées…

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