La guerre du rail n’aura pas lieu…

La SNCF est à la dérive avec une dette hors de contrôle passée de 44 milliards d’euros en 2010 à 62,5 milliards en 2016 ; un régime spécial des cheminots, avec des départs en retraite à 57 ans pour le personnel non roulant et dès 52 ans pour les conducteurs, qui coûte 4 milliards par an à la collectivité ; des charges d’exploitation : 22,2 Md€ financées à hauteur de 10,5 Md€ (soit 47 %) [1] par des dépenses publiques (et donc des prélèvements obligatoires) ; des capitaux propres  négatifs pour – 5,9 Md€… Au total, la SNCF bénéficie bien d’un soutien de 14 milliards d’euros par an (l’équivalent du budget total de l’Éducation nationale), et ce pour une qualité de service, disons discutable (je suis gentil !). Dans ce contexte, l’État veut réformer, vite ; et le débat classiquement se polarise sur des positions idéologiques. Résumons !

À Droite, la réforme de la SNCF serait une réformette. Il serait nécessaire d’aller beaucoup plus loin :

Réforme de la #SNCF : @EricWoerth estime que le gouvernement agit « a minima » #E1Matinpic.twitter.com/VpR8V8UK9N

Ce qui tout de même gonflé  pour le représentant d’un parti qui a longtemps gouverné la France et qui ne s’est  jamais sérieusement attaqué à ce difficile « dossier »…

À Gauche, ce serait la casse programmée du statut des cheminots et du service public :

La totale : @EPhilippePM va casser le statut des cheminots, privatiser la #sncf quoi qu’il dise, le tout par ordonnances. C’est la casse du service public du train. Cela mérite une bataille du rail : mobilisation ! #Spinetta

Ce qui, mais c’est une habitude, est une façon de nous prendre pour des imbéciles tout justes bons à régler la facture, utilisateurs ou pas du train…

La vérité est que l’annonce du Premier Ministre ne fait qu’enclencher un processus de réforme raisonnable et respectueux d’un service public auquel les français restent profondément attaché. Sur ses fondamentaux, en effet,  le gouvernement ne touche à rien.

Concernant le statut de l’entreprise, le Premier ministre plaide pour plus de souplesse et un renforcement de l’unité de la SNCF aujourd’hui divisée entre trois établissements publics avec, à terme, la transformation de la SNCF en société nationale à capitaux publics dans laquelle l’État détiendrait des titres incessibles. Le statut des salariés, lui, à l’exception des nouveaux entrants, serait garanti. Quant aux petites lignes, le Premier ministre a estimé qu’on ne pouvait pas décider « de la fermeture de 9 000 kilomètres de rails depuis Paris sur des critères administratifs et comptables » et renvoie le débat pour plus tard, avec les Régions [2]

La CGT (SNCF) et Sud rail sont évidemment « vent debout », si je puis dire, et brandissent déjà la menace d’une bataille du rail « explosive » en mettant en grève les cheminots « pendant 1 mois », forts de « faire plier » le gouvernement s’il maintenait la voie des ordonnances pour négocier et faire adopter sa réforme. Les médias en rajoutent (ça fait vendre !) alors, qu’à l’analyse, la paralysie du pays invoquée n’est qu’une illusion politique. L’opinion, à présent informée des problèmes et des dysfonctionnements de la SNCF ne suivra pas ; les syndicats, et surtout la CGT, ne peuvent pas se permettre une nouvelle défaite après celles subies sur la « loi travail », alors que le gouvernement n’a rien à perdre à aller jusqu’au bout de sa logique (bien au contraire) ; la scène politique est totalement désorganisée et fragmentée, à Gauche comme à Droite (voir les Républicains, notamment, contester la voie des ordonnances alors que leur candidat à la présidentielle voulait en faire le moyen principal de ses réformes est du plus grand comique), et 2018 est une année sans élections…

Bref ! Le rapport de forces établi, le champ de la « bataille » circonscrit, le calendrier fixé et les moyens de l’action définis, tout est en ordre pour que cette « bataille » du rail se dénoue sans grands affrontements…


[1] Ces prélèvements sont des impôts d’Etat, des impôts locaux et le « versement transport » des entreprises aux autorités organisatrices. Pour aller plus loin, consulter ce document ici en format PDF sur les dépenses publiques en faveur de la SNCF

[2] 45% du réseau voit passer 2% des voyageurs !

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