Le marché de la salle multimodale de Narbonne serait-il illégal ?

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Madame Nathalie Granier-Clavet n’est plus la 3e adjointe du maire de Narbonne déléguée, notamment, à l’urbanisme. Elle ne pourra pas donc pas m’éclairer, en tant que telle, en tout cas, sur certains aspects juridiques, de la procédure, très particulière, retenue pour l’attribution du marché public concernant la salle multimodale.

En effet, contrairement aux marchés classiques conditionnés par l’interdiction d’associer une entreprise à la conception d’un ouvrage, c’est la procédure dite « conception-réalisation » qui a été choisie par le conseil municipal par une délibération du conseil municipal en date du 24 septembre 2015.

Pour les non-initiés – nous entrons dans un domaine du droit administratif un peu compliqué – il faut savoir que la « conception-réalisation » est une « forme » de marché public qui permet à un maître d’ouvrage – la commune en la circonstance – de confier simultanément la conception (études) et la réalisation (exécution des travaux) d’un ouvrage à un groupement d’opérateurs économiques ou un seul. Il constitue donc une exception à l’organisation tripartite classique : maître d’ouvrage – maître d’œuvre – entreprises. Mais une exception, néanmoins strictement encadrée. En effet, seuls des motifs d’ordre technique très stricts – Cf. la circulaire n°95-58 du 9 août 1995 ¹ – peuvent être excipés pour justifier l’utilisation de cette procédure. Et des motifs analysés de surcroît très sévèrement par la justice administrative.

Or, à l’analyse du « cahier des charges » de la salle multimodale voulue par la Ville de Narbonne, rien ne permet d’affirmer que le chantier projeté présente des caractéristiques techniques autorisant la mise en oeuvre de cette procédure. La jurisprudence est parfaitement claire sur cette question. J’en veux pour seule preuve l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Nancy (CAA Nancy, 5 août 2004, n° 01NC00110) qui a infirmé un jugement du Tribunal Administratif de Strasbourg qui, pourtant, avait considéré, dans un premier jugement, que le recours au marché de « conception-réalisation » pour la réalisation d’un complexe omnisports était autorisé. Un complexe qui, comme celui que projette la Ville de Narbonne, comprenait, lui aussi, un volet « culturel ».

Dès lors se posent quelques questions. Pour quelles raisons des parties ayant intérêt à agir – architectes, entreprises de bâtiments et/ou de travaux publics… ne l’ont pas fait en saisissant le juge administratif ; comment expliquer que le contrôle de légalité exercé par l’autorité préfectorale ne s’est pas intéressé à ce marché ; et, surtout, quelles sont les vraies raisons de ce choix fait par la majorité municipale. Le risque juridique étant réel, je ne vois que le souci, pour cette dernière, de réaliser cette salle dans un calendrier le plus court possible, avant la fin de son mandat. Un risque qui pourrait coûter cher…

Le problème est que si les délais de recours – deux mois – sont épuisés pour demander l’annulation de ce marché, tous les actes administratifs qui lui seront attachés, eux, pourraient l’être sur les fondements juridiques exposés précédemment… Les parties prenantes à ce marché ne devraient donc pas être surprises si, le moment venu, les opposants à cette salle saisissaient la justice administrative pour trancher ce débat.

J’ajoute, pour terminer cette rapide analyse, que le silence du Grand Narbonne sur cette affaire n’est pas sans m’étonner, lui aussi. En effet, cette salle multimodale: « sport, spectacles, concerts, conventions, événements économiques type foires, expositions ou salons », comme le précise le cahier des charges de la Ville de Narbonne, outre son volume, sa zone de chalandise, son caractère « intercommunautaire », présente des fonctions qui relèvent de la compétence, au sens juridique du terme, de la Communauté d’Agglomération. L’économie, certes, pour ce qui concerne les salons, foires, expositions, etc. Mais aussi le culturel et le sportif : le Grand Narbonne gère, en effet, des établissements culturels et sportifs tels que le Théâtre, l’Espace de Liberté, notamment.

Comment donc comprendre que cet « investissement » communal dans le champ de compétence de l’Agglo n’ait jamais fait l’objet d’un débat public au sein de ses instances. Là encore, le silence préfectoral est surprenant dans une situation où la Ville centre ne cesse de contester les fondements mêmes de l’intercommunalité en s’emparant de domaines et/ou de programmes qui relèvent de la compétence et de financements du Grand Narbonne…

Affaire à suivre !

¹ Cette circulaire précise que, «dans ce cadre, peuvent par exemple relever de ces motifs : certains ouvrages à grand volume impliquant une structure complexe ; – certains ouvrages en souterrains exceptionnels ; certains ouvrages dont la fonction essentielle est constituée par un processus de production d’exploitation qui conditionne sa conception et sa réalisation comme par exemple les cuisines, les blanchisseries ou les procédés de production de chaleur, lorsque ces ouvrages constituent l’essentiel de l’opération ; la réhabilitation lourde de certains ouvrages existants impliquant des techniques particulières de construction comme des reprises en sous-oeuvre, l’intervention sur des structures remettant en cause les descentes de charge».

 
 

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Commentaires (2)

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    Joel Raimondi

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    Monsieur Santo, ne vivons nous pas dans une petite ville du sud de la France ou ou se passe entr’amis ? La mairie n’a t elle pas versé 500 000 € (cinq cent) a 5 architectes (100 000 chacun) pour les faire travailler sur le projet de salle pharaonique de M le maire ? sans aucun débat ? tristesse ….

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    MARTINEZ

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    C’est bien connu les « fils de » qui n’ont jamais connu le monde du travail ont l’argent facile ,surtout quand il s’agit de celui des autres honnêtement et durement gagné . Devant tant de désinvolture c’est à vomir .Si certains Maires laissent un passif ,d’autres laisseront des odeurs. Il est quand même surprenant que devant une telle gabegie le Grand Narbonne s’enferme dans le silence . Seraient-ils d’accord ? Oui tristesse et révolte .

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