Lecture d’Anatole France (3) :  » Des Trublions qui nasquirent en la Republicque « 

 

 

 

J’arrive aux termes de ma lecture « d’Histoire contemporaine ». Monsieur Bergeret est à Paris. Muté à la Sorbonne. Il vient d’emménager avec sa sœur, sa fille et son chien Riquet. Et ce jour là, il reçoit  dans son cabinet de travail, M. Goubin, son élève préféré. Voici ce qu’on peut lire,pages 638 et 639 de mon édition de 1948,  

 

« — J’ai découvert, aujourd’hui, dit-il, dans la bibliothèque d’un ami, un petit livre rare et peut-être unique…C’est un petit in-douze, intitulé : Les charactères et pourtraictures tracés d’après les modelles anticques. J’ai pris plaisir à lire son ouvrage, et j’en ai copié un chapitre fort curieux. Voulez-vous l’entendre ?

 

— Bien volontiers, répondit M. Goubin. M. Bergeret prit un papier sur sa table et lut ce titre :

 

Des Trublions qui nasquirent en la Republicque.

 

… Et, comme est véritable que de tout temps les fols, plus nombreux que les saiges, marchent au bruit des vaines cymbales, les gens de petit sçavoir et entendement (de ceulx-là il s’en treuve beaucoup tant par-mi  les pauvres que par-mi les riches) feirent lors compagnie aux Trublions et avec eux trublionnèrent. Et ce fust un tintamarre horrifique dans la cité, tant que la saige pucelle Minerve assise en son temple, pour n’être point tympanisée par tels traineurs de casseroles et papegays en fureur, se bouscha les aureilles avecque la cire que luy avoient apportée en offrande ses bien amées abeilles de l’Hymette, donnant ainsi à entendre à ses fidelles, doctes hommes, philosophes et bons législateurs de la cité, que estoit peine perdue d’entrer en sçavante dispute et docte combat d’esprits avec ces Trublions trublionnans et tintinnabulans. Et aulcuns dans l’Estat, non des moindres, abasourdis de ce garbouil, cuidoient que ces fols fussent au point de bouleverser la republicque et mettre la noble et insigne cité cul par-dessus teste, ce qui eust été bien lamentable aventure. Mais un jour vint que les Trublions crevèrent pour ce qu’ils estoient pleins de vent. »  

 

M. Bergeret posa le feuillet sur sa table. Il avait terminé sa lecture.

 

— Ces vieux livres, dit-il, amusent et divertissent l’esprit. Ils nous font oublier le temps présent.

 

    En effet, dit M. Goubin. »

 

En effet, me disais-je, ils donnent de la couleur au temps présent…

 

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