Les mots ne sont jamais que des mots…

 

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Un peu de poésie ce matin: celle de Jaccottet!

 

« Qu’ils disent légèreté ou qu’ils disent douleur, les mots ne sont jamais que des mots. Faciles. »… « Néanmoins, même si les mots n’empêchent pas la mort qui me désarçonne et qui m’interdirait dès maintenant de vivre si j’acceptais sa fascination, j’ai le sentiment confus qu’il faut dépasser cette oppo­sition entre mots et choses, surmonter cette mau­vaise conscience et ce dégoût. Faute de quoi, d’ail­leurs, je lâcherais la plume une bonne fois. Si, tant bien que mal, ici, elle poursuit son travail, c’est conduite, plus que par ma main, par cette intuition d’un sens, ce très faible reste d’espoir. Par exemple, je ne puis m’empêcher d’éprouver que certains mots, dans des circonstances données, semblent plus «vrais» que d’autres, que je ne peux absolument pas en user indifféremment; je m’entête à les cher­cher, bien que je sois incapable de m’expliquer comment il se fait qu’un tel choix soit possible, et paraisse légitime. »

 

Philippe Jaccottet : «  A travers un verger »

 

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Commentaires (2)

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    raynal

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    Retour d’Andorre…Pas celle des supermercats, l’autre…Celle des vallées de lumière, des pics vertigineux,cet écrin d’altière et grandiose beauté.

    Tant de noblesse, de grandeur et si peu de moyens pour le traduire avec ces pauvres mots qui meurent sur les lèvres quand il s’agit de traduire l’indicible…Cette mysterieuse part de nous memes
    qui, par une miraculeuse symbiose, peut a certains moments nous projeter au delà de nous memes…

     » Deviens ce que tu es » nous disait Nietszche….Ou, mieux que devant ces montagnes peut on, effectivement, avoir l’impression fugace mais néanmmoins tellement prégnante que le chemin (si
    chemin il y a ) est là, dans cet horizon sans limite.

    Je rentre et je lis cette reflexion pleine de justesse et de finesse de Jaccotet…Les mots, leur force et leur limite, il me souvient d’avoir dans le passé disserté là dessus devant une
    assemblée choisie.. ».Souvenir, souvenir, que me veux tu, l’automne faisait vibrer la grive au fond de l’air atone… »

    Quels mots diront ces petites chapelles de pierre brulées, lovées au coeur des vallons ou bien jugées sur des promontoires, posées là, petites lumières, petits cailloux semés là sur le chemin de
    très anciennes esperances depuis longtemps oubliées afin, s’il est possible de retrouver le sens des simplicités primordiales..Cette foi fruste et naive, sobre et néammoins si puissante, cette
    idiotie bienheureuse, ces fariboles bienfaisantes ces fables salvatrices…Si l’on pouvait se mettre là, tete basse et coeur battant devant ces vieux autels fendus, d’une si bouleversante
    humilité et puis, enfin, se livrer, s’abandonner et pleurer, pourquoi pas,devant l’absurdité et néammoins la beauté de notre pauvre trajectoire humaine…

    L’impitoyable censeur que tu sais etre va encore penser que je me lance sans filet dans un délire romantico- lyrique…tant pis, c’est aussi a cela que servent les mots.

    Nous avons besoin des mots pour tracer nos limites dans la maison du temps (c’est de Bauchau dans Oedipe sur la route, si tu ne l’a pas lu, fais le d’urgence )

    J’avais ecrit cela, autrefois, je le livre en forme de modeste participation a cette reflexion sur la difficulté de la communication que tu parais vouloir susciter par ces lignes de Jaccotet.

    L’homme est un faiseur de mots…

    Nous fabriquons des mots pour tenter d’expliciter et designer les choses puis nous faisons d’autres mots afin d’expliciter ces mots et ainsi de suite…

    Quand nous disons, par exemple, infini ou absolu…Nous avons désigné un vague concept de notre conscience, une sorte de réalité brumeuse et néammoins supérieure, mais ces quelques syllabes, ces
    borborygmes, ces bruits agencés sortis de notre bouche ne nous expliquent pas ce que sont réellement l’infini ou l’absolu…Il faut alors d’autres mots qui, a leur tour, se heurtent a la meme
    impuissance, de telle façon qu’exitera toujours un décalage entre un concept et sa traduction par le langage.

    Comment définir l’intuition, l’émotion, l’amour…Ces flux et ces reflux intimes qui, tour a tour nous transportent ou nous accablent ?

    Quels mots lourds, irradiants, réellement signifiants mettre sur ces atermoiements, ces reves, ces illusions qui nous composent ?

    Quelles paroles dire a l’autre qui nous désire, qui nous réclame enfin nu, explicable et expliqué, enfin défini, lumineusement défini par des mots qui traduiraient enfin ce qui ne fut jamais dit.

    Les mots sont a la fois le véhicule indispensable a toute connaissance mais aussile symbole impitoyable de notre impuissance et des limites de notre connaissance.

    Les mots que nous prononçons sont, en effet, invisiblement reliés a un imaginaire qui nous est propre, très personnel et très intime. Il faudrait donc, idéalement,pour que leur perception soit
    parfaite que celui ou celle a qui ils sont adréssés les reçoivent avec une forme de sensibilité en tous points semblable a la notre…Donc que se crée une parfaite osmose entre les deux
    territoires interieurs, et cela est très aléatoire…

    Peut etre ne sommes nous qu’au début de cette longue quete…Après tout une partie de nous memes a peut etre l’éternité devant elle ..Va savoir….

    Les mots ne sont alors que des émissaires qui s’en vont vers le camp ennemi pour demander un hypothétique armistice, de simples intermediaires, rien de plus.

    Voilà, j’espére une petite pierre a ajouter a notre reflexion…

    Je crois me souvenir que j’avais terminé par cette phrase a laquelle, aujourd’hui, je ne retire ni n’ajoute quoi ce soit…

    Peut importe le nom qu’on donne a l’escabeau, l’essentiel c’est qu’il nous aide a monter…

    Et, tu le sais, toi qui aimes les poètes tout comme moi…Que le poète juché sur les mots arrive quelquefois a nous ramener des fragments d’indicible…

    A toi, ami, et si tu en as et le temps et l’envie, je serais heureux que tu commentes ce commentaire.

    Dans l’immediat chacun campe sur son lopin intime, cultive son petit jardin ou ne viennent souvent que l’ivraie et le chiendent, eleve des miradors pour se preserver de l’autre

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    raynal

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    Michel, il y eu un petit problème avec mon texte, il semble qu’une partie de celui ci a été  escamoté, les dernières lignes de ce mail ne devraient pas etre là et sont tronquées…Mystère de
    l’informatique…Tant pis, je ne recommence pas mais je voulais te le signaler.

    A toi.

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