On ne porte plus des « habits du dimanche »…

Famille d’ouvriers agricoles en habits du dimanche.

Dans le monde d’avant celui-ci – bien avant –, dans le monde de mon enfance, précisémen, « sortir » de chez soi le dimanche était un évènement, pour ne pas dire une « fête ». Le matin ou l’après midi et quelles qu’en fussent les raisons, domestiques, privées ou sociales, nous « sortions », en effet ; mais nous ne sortions pas de n’importe quelle manière. C’est « habillés », vêtus des « habits du dimanche » que cela se faisait. Oh ! rien de bien coûteux, d’extraordinaire, mais de simples et pauvres vêtements, très propres, très repassés. Leur seule originalité étaient de n’être portés que ce seul jour de la semaine. La chemise blanche, notamment, était de rigueur. Comme pour mon père et mon grand père qui, lui, arborait pour l’occasion son sempiternel chapeau noir. Le souci n’était pas, en ce temps-là, de surprendre par la singularité ou l’audace de ses vêtements. Leur résistance à l’usure du temps surtout était recherchée. Et l’exigence était d’y prêter une grande attention : les ménager, ne pas les salir… Ces « habits du dimanche » duraient de longues années. Ils avaient, en outre, indépendamment de leur fonction d’usage, une grande portée symbolique. C’était une question de « tenue », de dignité, de respect envers soi-même m’expliquaient, façon de parler, en ce temps-là, avec leur peu de mots, mes parents. « Tiens toi Michel s’il te plaît ! » Ces souvenirs me sont venus à l’esprit, hier matin, m’en revenant des Halles. À l’inverse des dimanches d’antan, on « se déshabille » plutôt, me disais-je. Il me semble en effet que l’on réserve à présent les soins apportés « à sa toilette » aux jours disons travaillés, quand le dimanche on « se laisse plutôt aller », dans le style « sportif », décontracté, actuellement à la mode. Ce qui n’est pas forcément synonyme de débraillé ou d’inélégant, d’ailleurs. Bien que !… Mais restons en là plutôt que d’avoir à subir les pénibles et permanents procès d’intention en « mépris de classe ». Qu’on m’entende bien, je n’idéalise pas « les dimanches d’antan ». Les miens étaient pauvres et souvent tristes, comme mes habits, mais je ne peux malgré tout m’empêcher de penser qu’il y avait de la noblesse dans ce rituel dominical et ses préparatifs. Le dernier geste de ma mère avant de franchir la porte de la « maison » était de vérifier de ses doigts l’état de mes oreilles. Tout devait être en ordre : une question de principe ; d’honneur en quelque sorte.

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