Qu’est ce que l’opinion commune?

 

 

 

 

Un extrait de la préface de Marie de Gournay sur les « Essais » de Michel de  Montaigne

  

   Lectures : Celle de ce matin ! Après mon café serré…

 

 

   « C’est au fond une sorte d’injure que d’être adulé par ceux à qui vous ne voudriez pas ressembler… Qu’est-ce donc que l’opinion commune? Ce que nulle personne sensée ne voudrait dire ni croire. L’intelligence? le contrepied de l’opinion commune. Et pour bien vivre, il faut certainement fuir aussi bien l’exemple et le gout de l’époque que suivre la Philosophie et la Théologie. Il ne faut entrer chez le peuple que pour le plaisir d’en sortir. Et la vulgarité s’étend au point qu’il y a dans la société moins de gens distingués que de Princes.  Tu devines déjà, lecteur, que je veux me plaindre de l’accueil bien froid qui fut fait aux « Essais ». Et tu penses peut-être avoir à me reprocher mon acrimonie, dans la mesure ou leur auteur lui-même dit que l’approbation publique l’encouragea  à développer son livre. Certes, si nous étions de ceux qui croient que la plus insigne des vertus est de se méconnaître soi-même, je dirais qu’il a pensé, pour se faire réputation d’humilité, que la renommée de ce livre suffisait à son mérite. Mais il n’est rien que nous ne haïssions comme cette antique Lamia, aveugle chez elle et clairvoyante ailleurs ; et comme nous savons que celui qui ne se connaît pas bien ne peut bien se faire valoir, je te dirai, lecteur, que cette faveur publique dont il parle n’est pas celle qu’il pensait qu’on lui devait : il pensait qu’une tout autre, plus complète et plus parfaite lui était due, mais pensait d’autant moins l’obtenir. »

Rétrolien depuis votre site.

Commentaires (2)

  • Avatar

    raynal

    |

     » L’intelligence, le contrepied de l’opinion commune »…Une façon de dire que la sottise est universelle..Comme répondait De Gaulle a Malraux qui s’exclamait  »mort aux cons  »

      »Oh là là, vaste programme »

     »N’entrer dans le peuple que pour le plaisir d’en sortir »…En entomologiste, en quelque sorte ou en observateur plus ou moins détaché ?

    Mais ça serait-y-pas de l’élitisme, ça ? Montaigne facho, le peuple aura ta peau…!

    Que penserait notre chafouin porte parole de la bien pensance, j’ai nommé le disert et percutant Benoit Hamon d’une telle lecture ?

    Mais a t’il lu seulement et s’il a lu a t’il bien compris ce qu’il lisait…?

    Cela dit, ces reflexions sont elles de Marie de Gournay, fille spirituelle de notre Montaigne( et féministe, bien avant la lettre comme peu le savent) ou bien sont elles tirées des Essais ?

    J’ai été très heureux de ce moment passé avec toi, hier…Au delà des quelques divergeances qui ont pu autrefois nous opposer, j’ai la nette impression que nous sommes faits du meme bois(celui
    dont on fait le papier, bien entendu)…

    Pour cause d’hospit dès lundi, je n’interviendrai pas de quelques jours sur ton blog, aussi, si tu as le temps je serais heureux de ton commentaire sur ce petit billet.

    Reply

  • Avatar

    Michel Santo

    |

    Oui, Jacques, il s’agit bien de Marie de Gournay, la  » Fille d’Alliance  » de Montaigne. C’est d’ailleurs ainsi qu’elle se présente dans cette préface sur  » Les Essais « . Une sacrée bonne femme,
    comme tu le note. Une féministe avant l’heure, hélas si peu connue… Une remarquable femme de lettres aussi. Certains spécialistes de Montesquieu attribuent même quelques paragraphes des Essais
    à cette noble dame. C’est dire la proximité intellectuelle et affective de ces deux personnages… Il aurait pu dire d’elle comme il le fit pour la Boétie:  » je l’aimais parce que c’était
    elle…. »

    Il est vrai aussi que ce genre de texte est bien loin de la pensée, l’opinion commune de notre temps. C’est pour cela que je l’ai mis en ligne. Une espèce de manifeste en quelque sorte contre
    cette soupe sans goût qui nous est servie quotidiennement. Contre cette tendance de nos sociétés prétendumment démocratiques à trancher toutes les têtes qui refusent de se courber devant  » la
    bien pensance « ; A vider les mots de leurs contenus afin de  » ne point stigmatiser « ; à normaliser juridiquement ce qu’il convient de dire ou de ne pas dire; à envoyer devant les tribunaux pour
    juger ce qui est ou pas moralement admissible…etc

    Nos divergeances d’hier, n’étaient rien, me semble-t-il, au regard de ce que nous partageons. A savoir, une certaine exigence intellectuelle que nous nous contentons pas d’exiger des autres et
    qui est la règle de notre vie. En cela, forcément, le risque est d’être perçu comme un  » être  » bizarre, pour ne pas dire suspect. Comme il serait confortable, n’est ce pas d’entrer dans les
    tiroirs qui nous sont complaisamment présentés… Ben! non…

    J’espère vraiment que tout se passera bien Lundi et que tes inquiétudes n’auront été qu’un léger trouble passager.

    Bien à toi Jacques! Amitiés les plus sincères…

     

    Reply

Laisser un commentaire

Articles récents