Requalification du centre-ville : mais quel avenir pour l’îlot de l’église de la Major ?

       

Je ne m’oppose pas, par principe, à la cession d’actifs, notamment immobiliers, d’une collectivité publique. Loin de là ! L’État le fait, les communes aussi. Souvent à raison, parfois non. De sorte que la seule question qui importe est celle de son utilité et de l’avantage, ou pas, qu’en tire l’autorité cédante. Ma petite ville ayant décidé de vendre aux enchères cinq ensembles d’immeubles, dont deux en centre-ville, c’est à l’aune de cette « balance » qu’il convient d’en apprécier l’opportunité.

De ce point de vue, l’un d’entre eux a particulièrement retenu mon attention. Il s’agit de l’îlot de la Major, un ensemble au caractère historique et patrimonial de 1 300 m2  – on y trouve en effet l’ancienne église de la Major classée monument historique – situé à « deux pas » de l’ensemble monumental constitué par l’ancien Palais des Archevêques et de la Cathédrale Saint Just-Saint Pasteur. Ainsi, si j’en crois le peu d’informations qui circulent sur cet îlot, des parcelles seraient démolies par la Ville pour permettre la création d’une rue et d’un jardin, avant que le reste de cet ensemble soit acheté par des promoteurs afin de réaliser une rénovation de qualité – à  l’image, par exemple, de celle, terminée, de l’ancienne sous-préfecture située un plus haut , place de Verdun (remarquable, il faut en convenir). Ce qui – et ce sera ma première remarque – est un changement  d’orientation manifeste par rapport au projet initialement présenté en conseil municipal  le 12 juin 2014 [1]. Dans le rapport présenté alors par madame Granier-Calvet l’objectif, grâce en particulier à l’acquisition de l’Eglise de la Major et du  bâti dégradé des impasses Jussieu et Ponsard, était de : « créer un pôle attractif associant tout à la fois un équipement public abrité dans l’église [2] et des lieux de vie et espaces publics »… favoriser la réinsertion de la nature dans la ville, les liaisons urbaines et créer des logements attractifs dans le cadre de la restructuration. » Force donc est de constater qu’avec cette revente au privé disparaît l’équipement public abrité dans l’église qui était envisagé, ainsi que des « lieux de vie » et d’activités – qui auraient pu être consacrés, notamment, aux métiers d’art… Ce projet avait sa cohérence – et ce sera ma deuxième remarque – car il était fondé sur l’idée, implicite mais juste, que l’on ne peut redynamiser tout ou partie d’un centre-ville qu’en pariant sur la seule création de logements – souvent, pour le plus grand nombre, de studios ou T2. En exclure ou ignorer l’incitation à la création d’activités commerciales ou publiques, l’expérience le démontre, c’est en effet courir tout droit à l’échec. Ne possédant pas toutes les pièces du dossier, je me garderai bien de tout jugement définitif, mais il n’en reste pas moins qu’en l’état des informations disponibles disparaîtraient du coeur du paysage urbain narbonnais cette église si longtemps cachée et le service public (au hasard, un service culture et patrimoine…) qu’elle aurait pu abriter… Dommage, il y avait là un exemple de ce qui devrait être pourtant promu dans le cadre d’une politique volontariste de redynamisation du centre-ville… Il se peut aussi que la mise au point d’une charte ou d’un cahier des charges imposant aux futurs acquéreurs de cet îlot la mise en valeur et l’ouverture au public de l’église de la Major soit dans l’esprit de ce qu’il faut bien appeler un nouveau projet. Le certain en tout cas est que cet aménagement nécessiterait une large information – et une présentation – publique. Sa situation et son importance patrimoniale le mérite amplement…

 
 

[1]  Délibération du 12 juin 2014  en format PDF en cliquant sur ici

[2] Aujourd’hui englobée dans le tissu urbain, cet important édifice narbonnais de la seconde moitié du XIIIème siècle a disparu du paysage de la ville : il a été vendu et divisé après la Révolution.

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Commentaires (3)

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    Philippe Cazal

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    Bien vu. Je suis d’accord, cet ensemble, qui fait partie du patrimoine narbonnais même si oublié depuis longtemps, mériterait d’être mis en valeur pour donner un peu de vie à ce quartier. Un aménagement public serait plus propre à garantir un accès de tous, plus qu’un projet purement commercial.

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    camus thierry

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    Analyse fort juste comme souvent Mr Santo . J’ai eu l’occasion de visiter ce lieu à l’époque ou avec mon groupe Librairies Privât nous recherchions un lieu pour créer une nouvelle librairie , celle de la rue de l’ancien courrier étant trop petite pour faire face à une clientèle toujours plus nombreuse . Ne connaissant pas le dossier , je ne vais pas me hasarder à émettre un avis mais nous pouvons nous interroger sur la décision de vendre un lieu classé à des investisseurs privés . Le projet initial avait une autre allure mais Madame Granier-Calvet n’est plus en place . Donc affaire à suivre comme tant d’autres , les palissades devant l’ancien magasin Schleker sont bien en place depuis un certain temps , là aussi , le citoyen Narbonnais s’interroge , il se dit peut-être en son fort intérieur : hâtons nous lentement .

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    Yellow Submarine

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    En prime de divers autres avantages, acheter un monument historique est LE bon plan pour defiscaliser. La loi Monuments historiques procure une déduction fiscale et non une réduction. Elle fait donc baisser votre assiette imposable. Partant, ce dispositif est particulièrement efficace pour les ­contribuables les plus fortement imposés.

    Faut pas un dessin…

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