Scènes de la vie narbonnaise : un dimanche matin de la Chandeleur, sur le parvis des Halles…

   

     

Le dimanche matin, sur le parvis des halles, mon premier geste est de fouiller dans « la boîte à 1€ » du très discret bouquiniste dont les tables couvertes de livres d’occasion semblent occuper depuis des lustres toujours le même espace. Ce faisant, j’espère y trouver, comme cela m’est déjà arrivé, une de ces « pépites » littéraires dont je garde longtemps le vif plaisir alors éprouvé dans l’instant même de leur découverte. Hier, un ami qui pratique le même rituel dominical, m’avait précédé ; il tenait dans ses mains une ancienne édition des « Sévillanes » de Jean Cau. Il se trouve  que nous avons tous deux le goût de cet auteur de grand style, malheureusement et idiotement ignoré par la critique contemporaine. Il est vrai qu’il était sans pitié pour son époque : ses « grands hommes », ses moeurs. Il avait l’art du portrait aussi, et ses « Croquis de mémoire » sont un chef d’oeuvre du genre – il faut lire celui de Jean Paul Sartre, dont il fut le secrétaire ! Bref ! je disais à mon ami que j’étais en relation avec un des proches de Cau vivant dans un village près de Narbonne qui, récemment, m’avait informé de son voyage à Paris où il avait rencontré Fabrice Luchini ; ce flambloyant acteur – et diseur – ébloui par Cau désire en effet monter un spectacle littéraire avec ses « Croquis »*, à la manière de ce qu’il fait déjà depuis quelques temps avec d’autres auteurs. Autour de nous, l’ambiance était cependant, disons plus prosaïque. Il était 11 heures, en effet, et les petites troupes militantes des prétendants au trône municipal avaient envahi le parvis. Elles y distribuaient leurs évangiles allant du bleu marial au vert céladon, en passant par le rouge, le bleu foncé et le presque violet que des fidèles des Halles, pressés d’aller chercher leur poulet du dimanche, jetaient vivement dans leurs sacs ; d’autres, tout aussi bousculés par le temps, repoussaient d’un geste inamical les mains qui les offraient, tout en maugréant ; la plupart, indifférents, s’en emparaient, un vague sourire aux lèvres, pour les réduire en « boules » de papier afin d’anonymement s’en débarrasser à l’intérieur du marché au sein d’une foule compacte et affairée. La journaliste de l’Indépendant était là aussi. Elle faisait ses courses – façon de parler ! – son carnet sous le bras, passant de l’un à l’autre de ces petits groupes, pour y croquer quelques pittoresques « images ». En vain, si j’en crois son papier que je viens de lire, en ligne, dans l’édition « abonnés ». Plus loin, sur la passerelle, étaient les nouveaux venus dans cette campagne : les « Robins et Robines ». Vêtus de blouses blanches, sans écharpes vertes mais stéthoscopes au cou, ils auscultaient de possibles électeurs, prenaient la température, en quelque sorte ; ce qui donnait un petit air médiatique de coronavirus à la scène. Et puis, se firent entendre des chants « d’église » en provenance d’une colonne fournie de « cathos » traditionnels, prêtre et porte-étendards, en tête. Sur le côté gauche de la procession, des mains crispées tenaient une large banderole sur laquelle on pouvait lire, en grosses lettres noires : « PMA autorisée : Père sacrifié ». C’était un beau dimanche de février, sur le parvis des Halles, celui de la Chandeleur, de la fête des chandelles : celle de la lumière et des moissons, des amandiers en fleurs et des beaux jours à venir… Le ciel était d’un bleu très pâle et l’air profondément doux…

*Il sera, en avril, à l’affiche du Marigny. En attendant, ou peut écouter F. Luchini parler de Jean Cau et de son futur spectacle, ici, sur France Culture,  dans l’émission « Répliques » du 25 Janvier

D’autres billets concernant cet auteur – né à Bram, il possédait une « bergerie » sur les hauteurs du Doul, à Peyriac de Mer – sont aussi disponibles dans ce blog.

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