C’était un soir d’octobre 2011. Chez lui ? Peut-être ! Je ne m’en souviens pas. Mais de cette histoire qu’il m’a raconté autour d’une bouteille de « Fino », j’en ai retenu précisément ceci. Il revenait donc de Séville; c’était le mois dernier. Il y était allé chercher des carreaux faïencés dans le quartier de Triana. Les seuls concevables à ses yeux pour le banc « andalou » qu’il avait décidé de construire sur sa terrasse. Sur la route, l’inspiration le prit soudain de s’arrêter à Barcelone où devait se tenir la dernière corrida de l’histoire de la Catalogne.

Il n’avait évidemment pas réservé sa place à la « Monumental » et il savait ses guichets « fermés ». Obstiné, l’idée de rater la prestation du matador de légende José Tomas, lui était insupportable. Mais de palabres en négociations au milieu d’une foule qui attendait impatiemment l’ouverture des « portes », il gagnera finalement son droit d’entrée. Et nous son émotion à nous conter les gestes sobres et épurés, le corps fin et vertical, la sincérité froide du « maestro » ; le soyeux de ses passes, la lenteur qu’il imposait à la course du « toro »… Nous avions en commun, Henri et moi, l’amour de cette Espagne où se mêle au tragique de nos triviales existences, le plus grand raffinement dans la vie et les arts. L’Andalousie était notre théâtre, de Séville à Jerez de la Frontera, en passant pae Sanlucar ; de Ronda à Cordou. Il était aussi celui de Dominique, son amour ; sa belle Dominique, hélas ! partie trop tôt. Ces dernières années, Henri était toujours fidèle au départ du Camino del Rocio avec ses amis espagnols. Et le 1 août dernier, il écrivait encore son impatience de retrouver sur ce chemin de foi et d’espérance leur chaude amitié, leurs chevaux et leurs chants. Henri était grand et massif. Il avait la parole rare et cachait mal, sous sa rudesse apparente, une grande sensibilité. Lucide sur les hommes et la vie, il décelait très vite, sous les artifices de la mode et les hypocrisies mondaines, les faiseurs et les tricheurs. Comme dans les arènes ! Henri, cet ami, n’est plus. Jusqu’au bout de son combat contre cette bête qui le rongeait corps et âme, il aura fait preuve, je le sais, de bravoure. En écrivant ces lignes, mes pensées vont à sa soeur, à Éloïse, sa fille et à Marius, son petit-fils, aperçus ce matin devant l’entrée de l’église Saint Bonaventure. Elles vont aussi à Jean qui, perdu dans sa mémoire et son histoire, hors de ce monde, ne verra plus son ami le prendre par la main. Suerte Henri ! Suerte ! ADieu…