Un petit bijou littéraire signé Joël Baqué : « La mer c’est rien du tout » …

   

       

La quatrième de couverture de ce petit livre de Joël Baqué : « la mer c’est rien du tout »  (99 pages) édité chez P.O.L (excellente maison d’édition) est composée d’une seule phrase rythmée par trois verbes à l’infinitif – vivre, devenir, découvrir –  : « Vivre une enfance languedocienne, devenir le plus jeune gendarme de France puis maître-nageur sauveteur des CRS, découvrir la littérature et le plaisir d’écrire ». Une présentation qui d’emblée signale un ton et une forme de récit autobiographique libéré des contraintes et des usages habituels. Le récit de son enfance et de sa vie jusqu’à son âge adulte ne se déroule pas en effet de manière classiquement narrative : de brefs passages, souvent une seule phrase en constituent la trame ; des phrases courtes, qui sonnent juste, sans ce pathos racoleur dont raffolent les amateurs de bons ou de mauvais sentiments (les uns et les autres, comme on le sait, exposés à l’excès ne faisant pas de bonne littérature). Bref un livre pour ceux qui au contraire l’aime quand elle se présente ainsi : nette, franche ! Et de surcroît teintée d’ironie, d’humour , et de jeux sur la langue, de vocables amusants (bouillacades, poutinques, tourdresses – Joël Baqué est né à Béziers et a vécu dans le petit village proche de Montblanc) et de belles trouvailles stylistiques. Il y est question d’une sœur, Valérie, à la beauté sidérante : « Valérie semblait posséder un désintégrateur à garçon très efficace. Elle pouvait aussi les paralyser rien qu’en les regardant », « Ses yeux noyaient le ciel dans la mer » ; d’un frère, Paul, gay qui bégaie, d’une mère absente, humiliée : « Ma mère ne savait rien dire jamais » ; et d’un père, personnage terrible, tueur de chatons : « Quand Claude François est mort électrocuté, mon père a ricané :  » Celui-là, fini de gigoter avec ses tondresses ! » Évoquant son enfance dans ce village du Sud profond (qui est aussi le mien, le Sud, pas le village, cependant à quelques kilomètres de ma petite ville natale) l’auteur observe le passage du temps dans la solitude : « L’été, le ciel brûlait d’ennui. L’hiver, il s’occupait avec quelques nuages ». On y croise aussi des personnages farfelus (Nénain, l’éboueur), une belle andalouse (Anita, aux longues créoles), on y « fait » les vendanges : « les vendangeurs andalous faisaient griller les grandes  sauterelles (celles aux longues cuisses charnues et aux dessous d’ailes rouges ou bleus », on court les corridas… Des fragments réveillent des souvenirs de repas de famille (j’en ai vécus de cette sorte !) : « Les repas de fêtes se reconnaissaient aux œufs mimosa en entrée et aux portes claquées à la fin ». Les mots, les phrases pétillent sous la plume de Joël Baqué ; on les saute, revient en arrière, relit les derniers fragments, s’arrête sur l’un eux , souligne une phrase, et parce qu’on ne veut rien oublier, finir par se dire  que la lecture est  la vie et la vraie son fantôme… Des mots qui nous vengent d’en avoir été privé durant son enfance : « On n’employait jamais de mots pour le seul plaisir de les dire. » La mer c’est rien du tout, peut-être, comme ce récit, mais c’est un rien littéraire précieux qui nous accorde avec le temps de notre enfance, celui de nos vies ; tant il est vrai que : « Les vies d’adultes réussies sont la  poursuite de l’enfance par d’autres moyens »… Bonne lecture !

 

Joël Baqué : « La mer c’est rien du tout » P.OL, 99 pages, 9€ ! Un livre qui m’a été signalé par Michel Sanche, de la librairie Libellis, rue Droite, à Narbonne, le jour du salon du livre du Grand Narbonne – où était présent l’auteur et avec qui j’ai pu échanger quelques mots… et les mots en entraînant un autre…

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