Comment ne pas philosopher?

 

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Pourquoi philosopher ?

Cette question, combien de fois l’ai-je entendue. Ou bien alors formulée autrement : à quoi bon lire Flaubert ou Stendhal aujourd’hui ? A ce président d’organisation patronale qui m’interrogeait ainsi au temps où mon métier exigeait ce type de collaboration, j’envoyais par la poste : « L’Art de la guerre » et « Lucien Leuwen ». Le premier, pour qu’il abandonne ses manuels de management ; le second, pour qu’il largue son Bourdieu pour comprendre enfin la société et les hommes. Plus sérieusement, et parce que depuis il est devenu mon ami, je lui disais que la philosophie naît d’abord d’une absence et du désir de la combler ; de la rendre présente en quelque sorte, de se l’approprier. On ne désire pas la sagesse parce que je sais ce qu’elle est, mais parce qu’elle est absente de moi. C’est ce désir que le philosophe ne cesse de creuser, lui disais-je. Il est l’effort de saisie de l’Un sur le multiple ; l’effort de saisie du sens. Un besoin à chaque fois renouvelé.

C’est donc dans la quête du sens qu’il faut chercher la parole philosophique. Une quête, un désir qui répond à un besoin fondamental, irrépressible, de l’être humain.

Cette manière là de concevoir la philosophie, il est vrai, tranche  avec la tradition rationaliste française, qui cherche à expliquer le réel, par la mise en évidence de « structures » et autres « causes », plutôt qu’à le comprendre, à lui donner du sens. Elle est en effet une entreprise intellectuelle prudente, sceptique qui ne s’appuie sur aucune Loi, aucune révélation mais sur cet universel et intemporel besoin humain de sens susceptible de toujours entraîner la déception. Ce que Jean-François Lyotard, après tout, dit mieux que moi, et que je laisse ici conclure – provisoirement :

« Vous ne pouvez transformer ce monde qu’en l’entendant, et la philosophie peut bien avoir l’air d’un ornement de bonne famille (parce qu’elle ne produit pas des avions supersoniques ou parce qu’elle travaille en chambre et n’intéresse personne) elle peut être cela, et elle l’est réellement : il reste qu’elle est ou peut-être aussi ce moment où le désir qui est dans la réalité vient à lui-même, où le manque dont nous souffrons, en tant qu’individu ou en tant que collectivité, où ce manque se nomme et en se nommant se transforme ».

Comment donc ne pas philosopher ?

 

 

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