Quel avenir pour Alstom?
Le meilleur article de ma revue de presse quotidienne sur ce sujet … dans » la Croix » de ce matin ! La vente d’Alstom est-elle le signe du déclin industriel français ?
Créer un « Airbus de l’énergie », selon l’expression de François Hollande, en associant Alstom à Siemens, malgré les risques que cela représente en termes de doublons industriel ? Ou bien créer un nouveau mastodonte franco-américain du secteur, une sorte de « Boeing de l’énergie », avec la reprise de la branche énergie d’Alstom par General Electric (GE), deux entreprises aux activités complémentaires ?
Telle est la question au centre des discussions sur l’avenir industriel d’Alstom. Le groupe dirigé par Patrick Kron a annoncé, le 27 avril, qu’il se donnait un peu de temps pour poursuivre « sa réflexion stratégique », précisant qu’il informerait le marché avant le 30 avril. En Bourse, le titre a été suspendu.
Toute la classe politique s’agite
En attendant, les consultations se poursuivent, au plus haut sommet de l’État, tandis que toute la classe politique s’agite sur le sujet. Lundi matin, le président de la République a reçu à l’Élysée Jeffrey Immelt, le président de General Electric, arrivé la veille des États-Unis.
Il était accompagné de Clara Gaymard, la présidente de la filiale française. François Hollande devait ensuite s’entretenir, en fin de journée, avec le patron allemand de Siemens, Joe Kaeser, et avec Martin Bouygues, premier actionnaire d’Alstom, (29,38 % du capital), qui penche clairement pour la piste américaine.
Fidèle à son habitude, Arnaud Montebourg tente, quant à lui, de faire monter un peu la pression. L’offre de GE « pose un problème pour une raison simple, c’est que l’essentiel d’Alstom, 75 % de l’entreprise, 65 000 salariés dans le monde vont être dirigés depuis le Connecticut », expliquait lundi le ministre de l’économie et du redressement productif, sur RTL, en parlant d’une situation « inacceptable ».
le gouvernement penche pour Siemens
Officiellement, donc, le gouvernement penche pour l’offre de Siemens, qui se propose de reprendre l’activité énergie d’Alstom, contre une part en numéraire, à laquelle s’ajoute « la moitié de sa branche transports ». Le groupe apporterait ses trains à grande vitesse (l’ICE), mais garderait ses métros et ses tramways, c’est-à-dire la partie la plus lucrative. « Siemens propose de construire deux leaders mondiaux : un allemand dans l’énergie et un français dans le transport », estimait néanmoins, lundi, Arnaud Montebourg.
Du côté du groupe allemand, beaucoup d’interrogations subsistent cependant, aucune offre ferme n’ayant été pour l’instant déposée. Seule une lettre d’intention a pour l’heure été adressée à Patrick Kron. Lundi 28 avril, Siemens se contentait d’affirmer qu’il se déciderait « dès que possible », après l’entrevue de ses dirigeants à l’Élysée.
Accentuer les coopérations dans la recherche
L’idée de créer une grande entreprise franco-allemande pour la transition énergétique, à l’image de ce qu’a fait Airbus dans l’aéronautique, est d’ailleurs loin de faire l’unanimité. À dire vrai, le plus grand flou entoure cette formulation du président de la République, prononcée lors de sa conférence de presse du 14 janvier et qui avait surpris tous le monde, y compris à Berlin. À l’époque, les industriels du secteur s’avouaient très perplexes. Mêmes les responsables allemands se montraient dubitatifs.
L’hypothèse communément admise était d’accentuer les coopérations dans le domaine de la recherche, en particulier dans le stockage de l’électricité, qui demeure le talon d’Achille de la transition énergétique. « Il est très compliqué de rapprocher sans drame des entreprises qui sont concurrentes depuis des années », expliquait-on alors à Matignon, en rappelant que toutes les alliances franco-allemandes tentées dans l’énergie avaient jusqu’alors échoué, comme la fusion ratée entre Suez et E.ON en 2000 ou l’alliance entre Siemens et Areva dans le nucléaire.
Il y a dix ans, Siemens avait déjà tenté de reprendre Alstom, alors au plus mal. En vain. Marwan Lahoud, le directeur de la stratégie d’Airbus, rappelait qu’EADS était né, en 2000, après trente ans de coopération.
Des modèles énergétiques divergents
Après l’abandon de l’atome civil par le gouvernement d’Angela Merkel en 2011, les divergences entre les modèles énergétiques développés de chaque côté du Rhin n’ont cessé de s’accroître, ce qui rend encore plus incertaines des alliances industrielles. « Siemens et Alstom pourraient unir leurs forces dans la modernisation des centrales charbon qui tournent à plein régime en Allemagne, mais ce n’est pas forcément le message que les dirigeants politiques veulent donner à ce rapprochement », persifle un électricien français.
Il n’est pas sûr non plus que les autorités de la concurrence soient d’accord pour un tel rachat, alors même que les gouvernements veulent faire baisser les coûts de production dans l’électricité pour réduire leurs subventions aux énergies renouvelables. « Dans l’éolien terrestre ou le photovoltaïque, les technologies sont matures. La concurrence doit permettre de les rendre plus compétitives », estime Philippe Murer, professeur à la Sorbonne et auteur d’un ouvrage sur la transition énergétique.
Un aspect social difficile à gérer
Sur le plan social, une alliance entre Alstom et Siemens risquerait aussi d’être très difficile à gérer. « Ce serait la pire des solutions, car nous faisons exactement les mêmes choses. Il y aurait forcément de la casse », juge Dominique Jeannenot, le secrétaire du comité central d’Alstom Power, qui rassemble les activités énergétiques d’Alstom. La création d’un tel champion européen contribuerait également à marginaliser un peu les autres acteurs, comme le champion français Areva, qui veut, lui aussi, développer son activité dans le renouvelable.
Jean-Claude Bourbon
Mots-clefs : alstom, Hollande, siemens
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