À ces agapes, manquait la ferveur des premiers chrétiens… (Fiction 6)

 

         

Fiction 6.

Julien finissait de mettre à couvert son véhicule quand il reçut un SMS de Cameron l’informant des initiatives prises par Marie. Elle était donc à Nîmes ! 6 ans déjà qu’avec elle, Jo et Boris tous quatre formaient une équipe agile et solide capable de résoudre toutes sortes « d’affaires » sensibles. Sans résidence administrative fixe, ils ne se retrouvent que sur leurs théâtres d’opérations ; et si leurs vies privées sont strictement cloisonnées, ils forment néanmoins un quatuor sans fissures intellectuelles, psychologiques ou politiques. Parfaitement synchronisé, leur jeu est en toutes circonstances quasiment parfait. Julien, avait été recruté par Boris, peu de temps après Marie. Un de ses amis, patron du 6e RPIMa de Castres, lui avait recommandé ce jeune officier brillant dans les arts de la guerre, amateur d’architecture et férue d’histoire. Séduit par les perspectives d’action que lui proposait Boris — le « proc » à présent — ; assuré de pouvoir opérer sans contrainte inutile, il avait quitté la carrière militaire et suivi la même formation « clandestine » et « privée » que Marie. Dotés d’un potentiel intellectuel et physique exceptionnel, tous deux faisaient dorénavant partie de la très petite élite des agents très spéciaux de la République. Sur sa gauche, et devant lui, malgré la nuit tombée, Julien pouvait apercevoir des vignes. Il se trouvait sur un chemin de terre, avec, sur sa droite, un mur entourant une vaste propriété ; un chemin sur lequel il s’était engagé, immédiatement après que la voiture blanche prise en filature eut signalé son entrée dans ce qu’une pancarte signalait comme étant le « château de Lebrettes ». Franchir le mur de ce domaine fut chose aisée pour Julien. Dans son sac à dos fait sur mesure, près du corps pour ne pas le gêner dans ses déplacements et ses courses, il disposait du meilleur de la technologie pour assurer sa protection ; neutraliser ses opposants, pister ses « cibles ». Un grand parc arboré se présentait à lui. Des bâtiments à usage agricole structuraient l’espace par un réseau d’allée bitumée. Le Château en était la pièce maîtresse.Une lumière douce et rasante en magnifiait la façade, les proportions et les matériaux. Julien reconnu là un des plus parfaits exemples d’imitation du style brique et pierre d’avant Louis XIII ; sans doute construit, comme tant d’autres « Folies » de ce Bas-Languedoc, au début du XXe siècle par un riche propriétaire pendant la période de grande opulence de la viticulture, entre 1880 et 1914 — qui se poursuivra jusqu’aux années 1930. Quelques leurres dispersés autour de lui tandis qu’il progressait vers une grande baie du rez-de-chaussée dans l’encadrement de laquelle il apercevait d’immenses lustres à pampilles, lui garantirent l’absence de molosses dressés pour tuer. Pas de gardiens, ni de système d’alarme non plus : il avait passé le temps nécessaire à ces élémentaires vérifications. Bref, en cette veille de Noël Julien aurait pu s’imaginer dans une série historique un peu tartignole du genre de celle produite par Netflix. De son poste d’observation : une tombe dans un massif d’épais arbustes aux branches souples, la scène qui se présentait à lui était des plus classiques, en ce temps et ce lieu. L’homme au manteau noir n’était plus qu’en bras de chemise, comme ses deux commensaux. Ils dînaient aux chandelles, servis par un couple de domestiques en costumes de fonction. Un petit sapin décoré, posé sur un large guéridon, donnait un air sentimental à ces agapes ; y manquait cependant la ferveur des premiers chrétiens, loin des « froides perversités du siècle »…

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