Dans la nature, il ne s’y parle rien d’autre que notre langue maternelle…



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Ce texte de Gil Jouanard: La géographie, tout spécialement dans sa dimension géologique, par conséquent topographique, et la météorologie (ou le climat, si l’on préfère ce terme), sont assurément, avec le sentiment amoureux, les substrats nourriciers, sinon fondateurs, de l’élan poétique et de l’expression, le plus souvent écrite, qui en échoit.


Ce que nous désignons sous le terme de « nature » (dont l’initiale est fréquemment écrite en lettre majuscule) n’est en effet rien d’autre que le milieu « naturel » dont toutes les espèces animales, dont la nôtre, sont issues, tributaires et en fin de compte solidaires. Vous aussi bien que le gibbon, moi aussi bien que le lézard, elle aussi bien que la musaraigne, lui aussi bien que le faucheux. La notion de consubstantialité est en la circonstance si parfaitement appropriée qu’il ne serait nullement exagéré ou ridicule d’affirmer que nos liens de parenté avec le Grand Tout minéral et végétal, dont les poètes du Tchan chinois firent le motif quasiment exclusif de leur contre-lyrisme poétique et iconographique, sautent aux yeux de tout expert en contemplation. Allons plus loin dans la réflexion intuitive, et osons affirmer que tout ce Tout, qui nous englobe comme il englobe le granit et le teck, provient d’une seule et même cellule (appelons cela comme cela, même si un mot plus approprié serait peut-être opportun), que nous dirons par conséquent « originelle », pour ne pas dire, par extrapolation, « maternelle ». Sans doute convient-il de supposer que cette mère le fut par inadvertance, au gré de l’un de ces caprices dont le hasard ne cessé de nous gratifier et trop souvent de nous pénaliser. Et que, depuis toujours, elle se tenait en suspension, infime particule, dans ce vide qui n’est autre que le clone du Grand Rien. Et à ce rien, soudain ou plus sûrement à petit feu, quelque prodige tout aussi hasardeux du grand magma chimique s’employa à donner cette apparence de Grand Tout fondateur et frère ainé à la fois (finalement comme OEdipe fut l’un et l’autre de qui l’on sait ). Des lors, ne soyons pas étonnés d’éprouver si fort cet élan qui nous pousse vers ces proches parents sylvestres, champêtres, herbagers, feuillu, floraux, fruitiers, atmosphériques et météorologiques qui constituent la famille nombreuse de Dame Nature. Nous ne sommes pas seulement chez nous parmi ces enfants naturels : nous en faisons partie, nous en sommes. Il ne s’y parle, sans un seul mot, rien d’autre que notre langue maternelle.

Illustration: jardin Tchan

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