La liberté selon Don Quichotte.

Ve 28.3.2025

Iñaki URIARTE : Baîller devant Dieu. Séguier. 2019. Pages 137 et 138 :

«La liberté, Sancho, est un des biens les plus précieux que le ciel ait accordés aux hommes. De tous les trésors enfouis sous la terre ou cachés sous les mers, aucun ne saurait l’égaler. C’est pour sa liberté, et aussi pour l’honneur, que l’on peut, que l’on doit risquer sa vie ; car l’esclavage est le pire des maux qui puissent accabler les hommes.»

Combien de fois n’a-t-on cité ce passage de Don Quichotte comme s’il s’agissait du plus bel hymne de tous les temps consacré à la Liberté, de manière générale, abstraite et avec une majuscule, chose que personne ne connait, il me semble.

Don Quichotte faisait référence a quelque chose de bien plus concret. Heureux de quitter enfin le château des ducs, il poursuit: « Je te dis cela, Sancho, parce que tu as bien vu l’abondance et les délices dont nous jouissions dans ce château que nous venons de quitter. Eh bien! au milieu de ces mets exquis et de ces boissons glacées, il me semblait que j’avais à souffrir les misères de la faim, parce que je n’en jouissais pas avec la même liberté que s’ils m’eussent appartenu ; car l’obligation de reconnaître les bienfaits et les grâces qu’on reçoit est comme une entrave qui ne laisse pas l’esprit s’exercer librement. Heureux celui à qui le ciel donne un morceau de pain sans qu’il soit tenu d’en savoir gré à d’autres qu’au ciel même !»

Un peu d’argent, «un morceau de pain», une petite rente qui vous libère des maîtres, chefs et autres raseurs. Voilà la liberté que louait Don Quichotte. Liberté très égoïste de Montaigne, qui écrivit quasiment la même chose avant Cervantès.

Notes sur l’auteur :

Iñaki Uriarte Cantolla est né en 1946 à New York au sein d’une famille basque originaire de Saint-Sébastien. Il vit aujourd’hui à Bilbao. Esprit libertaire, il a tenu entre 1999 et 2010 un journal iconoclaste, à l’image de ses paradoxes et de son ironie décapante.

Compilé en un volume de morceaux choisis, ils ont été publiés en français aux Éditions Séguier sous le titre « Baîller devant Dieu » (2019). On y trouvent consignés pêle-mêle plongées introspectives, satires de la vie culturelle et de ses vanités, dialogues avec les oeuvres de ses écrivains favoris (Montaigne, Proust, Cioran…), anecdotes croquées sur le vif…

Son écriture est immédiate, concise, légère, empreinte d’un humour redoutable. Dès la première page, il en précise les contours : « Joseph Pla affirme qu’il faut écrire de la même façon que l’on rédige une carte postale adressée à sa famille, mais avec un peu plus d’applications. Ici, je vais m’employer à faire de la carte postale un modèle de rhétorique. Comme si je parlais tout seul. »

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