Moments de vie : « Il va falloir nous restreindre Rose ! »…
Moments de vie.
Di.7.8.2022
« En été, je ne quitte jamais Gruissan ! Avaler des kilomètres de bitume, fondre dans des bouchons, râler après mon GPS qui n’en fait qu’à sa tête et de mon mari perdu dans sa « Michelin », cet âne, boire au goulot des litres d’eau minérale dans une bagnole climatisée, afin d’éviter une thrombose profonde au mollet droit qui me conduirait fatalement dans un couloir des Urgences … Non ! Jamais ! », me disait véhémentement Rose-Marie. « Je préfère rester chez moi ! »… « Et puis c’est bon pour le climat ! non ? »… « Regardez nos villes, villages et stations, Michel ! Trop de monde, trop de bagnoles, trop de bruit, trop de déchets, trop de tout… Et de moins en moins d’eau, et cette chaleur ! » On peut comprendre Rose-Marie. Elle est née et n’a jamais vécu ailleurs que dans ce superbe village du bord de la Méditerranée. Vivrait-elle à Epinay sur Seine ou Toulouse que son point de vue serait forcément plus nuancé, lui faisais-je remarquer. Que de grandes masses humaines sevrées de soleil et de mer éprouvent l’irrépressible désir de venir jusqu’ici, en juillet et août, pour enfin en jouir, quoi de plus naturel, ajoutais-je. Tout en lui concédant cependant que ces mouvements et entassements saisonniers de foules pressées n’étaient plus désormais, écologiquement et socialement, supportables. Les épisodes caniculaires de cet été et ses conséquences en tout domaines l’ayant beaucoup mieux démontré que tous les rapports annuels alarmants du GIEC. « Vous avez raison Rose-Marie ! Nous devons nous adapter, et très vite, à ces changements climatiques avant que Gruissan ne soit sous l’eau… J’ironise à peine, mais il est certain que nous sommes dans l’obligation de restreindre nos désirs et consommations de biens, de loisirs et d’espaces… Tenez ! Votre « maison-4faces-jardin-piscine » et vos revenus locatifs tirés du tourisme de masse, tourisme dont votre village et notre région vivent, ce n’est plus possible de continuer ainsi ! » Sur ce dernier et très sérieux échange d’idées mené sans affectation, la discussion ensuite a rapidement filé pour bifurquer vers des sujets plus légers – c’est l’été ! – : le prochain voyage collectif de Rose-Marie, en octobre, en Aragon ; nos courts séjours, cet automne à Llafranc ; la culture et les mœurs de l’Espagne voisine, que nous aimons ; les derniers plaisirs gastronomiques aussi et les prochaines vendanges, vendanges qui commencent chaque année un peu plus tôt, les tonneaux s’accumulant et se vendant de plus en plus tard… ce soir-là, l’air était encore trop chaud pour jouir des bienfaits nocturnes habituels à la terrasse du café de la Paix. Mais, pour une fois, l’ambiance sonore était, disons civilisée. Avant de nous quitter, tard dans la nuit, Rose-Marie, nous a donné rendez-vous, en toute innocence, à « Barques en scène », la mega fête de fin de saison estivale dans le cœur de ville de Narbonne. Que je fuis ! Trop de monde, trop de bruit, trop de trop… Notre amie avait déjà tout oublié de nos échanges et de ses nobles pensées du début de soirée. Elle est tellement française, Rose !
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