Hier, sur le fil de ma page Facebook, j’ai réagi à l’attribution du Nobel de littérature à Annie Ernaux en faisant observer que sa valeur devait être jugée à l’aune du constant rejet, par les mêmes jurés de ce prestigieux prix, d’un Milan Kundera, notamment — pour rester dans la catégorie d’auteurs s’exprimant dans notre langue. Un point de vue sur l’œuvre d’Annie Ernaux qui, sans pour autant la négliger, la remet, dans mon panthéon littéraire, en tout cas, à sa juste place : celle d’un auteur mineur à l’écriture sèche, minimaliste et triste – c’est le souvenir que j’en garde pour l’avoir lu il y a déjà longtemps – dont la souffrance d’avoir souffert et de souffrir encore de toujours souffrir, constituent le seul thème de ses récits. « Venger sa race », selon ses propres termes, en constituant le ressort psychologique, intellectuel, moral et politique, ce qui, après tout, aujourd’hui, est assez banal chez ceux qui font profession d’écrire avec la « vengeance » au bout du stylo ! Cela dit, Annie Ernaux s’est aussi abondamment exposée dans l’arène politicienne jusqu’à prendre des positions d’une violence extrême-gauchiste inouïe – comme d’autres dans le passé ! Mais doit-elle pour autant subir sur les réseaux sociaux des flots d’injures pour tout jugement littéraire ? Évidemment non ! Tout juste démontre-elle, ce faisant, que les écrivains, sauf exception, sont des crétins manipulables comme les autres. Finalement, le couronnement d’Annie Ernaux par les jurés du Nobel m’aura au moins appris une chose : que son œuvre, selon eux, avait « rendu de grands services à l’humanité ». Ce que, jusqu’ici, je le confesse, j’ignorais.
Météo : Air frais, ciel immensément bleu, limpide…
Citation : « Une constatation que je peux vérifier, à mon grand regret, à chaque instant : seuls sont heureux ceux qui ne pensent jamais, autrement dit ceux qui ne pensent que le strict minimum nécessaire pour vivre.[…] Penser à tout moment, se poser des problèmes capitaux à tout bout de champ et éprouver un doute permanent quant à son destin ; […] c’est être malheureux au point que le problème de la pensée […] vous apparaît comme une damnation. » E.Cioran : Sur les cimes du désespoir (1934)
Remarque : À craindre la pose et le ridicule, la lire (!), cette citation, comme il convient : avec distance et humour.
Programme du jour : 8 h 30 ! cafés, et lecture d’un poème de Tristan Corbière (Amours jaunes). Roboratif Tristan ! Et plage cet après-midi…
Dimanche après-midi à la plage. L’air était chaud, qu’un léger vent du « Nord » adoucissait, et l’eau délicieusement fraîche. La mer tout à soi ! Pour soi ! Au loin, le rocher d’Agde, le Mont Saint Clair et les Albères. Un ciel ouaté, bleu pâle, leur donnait des teintes fondues, veloutées. Allongé sur le sable, je me laissais vider par le temps. Le monde alors s’entend comme la sempiternelle rumeur des vagues. Soudain des cris et des chiens qui aboient. Une jeune femme en tenue de ville les relance. Ils courent après une balle, se disputent. Le plus fort la ramène à ses pieds en remuant la queue. Et le monde s’entend et s’épuise comme dans un épouvantable manège…
Errer, c’est « aller d’un côté et de l’autre sans but ni direction précise ». Une définition à laquelle j’ajouterais quelques mots. Car errer, en effet, implique l’idée d’être seul et de s’en aller à pied. C’est en tout cas dans cet état d’esprit, que ce matin encore, j’ai quitté mon appartement sur le coup des 10 heures. Et ce sont mes premiers pas qui, finalement, m’ont entraîné sur les berges de la Robine. Rien donc de réfléchi ou de rationnel dans ce choix, mais la seule obéissance à l’automatisme de gestes guidés par le hasard ou l’inconscient. À l’unisson étaient aussi mes pensées qui vagabondaient et s’agitaient. Mais, au bout du compte, je constate toujours qu’à défaut d’un but à atteindre et d’une direction à prendre, je trace dans l’espace à peu près la même empreinte et que mes pensées tournent autour des mêmes idées. Errant, on ne peut donc totalement écarter l’idée d’aller en un sens. Sur terre, comme en esprit…
Je consigne souvent sur cette page des moments de vie qui peuvent paraître mineurs et sans intérêt à de nombreux lecteurs. Certains, en privé, d’ailleurs, me le reprochent. Ils voient dans ce retrait de l’actualité politique surtout – relatif toutefois –, une forme de démission. Ou, pire, de fatalisme. Ce qui, je tiens à les rassurer, n’est évidemment pas le cas. Disons plutôt que je n’ai pas le goût de rajouter des commentaires à des commentaires qui, pour la plupart, ne se distinguent guère sur le « fond » – attendu –, ni sur la forme, – fréquemment banale. Je n’ignore pas cependant, et goûte, ceux de quelques « amis », enviés, dotés d’un réel talent pamphlétaire. En vérité, si je relate ici des moments de vie, comme on tient un journal, c’est toujours pour les dégager de l’actualité immédiate, y chercher une signification, un drame, un visage… Ou le mien. La saisie d’un instant, d’une impression, d’un sentiment devient alors une image métaphore. Plus ou moins réussie. Et que je découvre moi-même. Un peu plus tard.