Quelques images et quelques mots resteront. Si peu pour une vie !
Le monde est plein de secrets. Nous croyons connaître ceux qui sont près de nous, mais le temps nous révèle que nous en savons toujours moins ; que la zone d’ombre sur leur vie enfle et s’étend toujours plus. Je la regarde assise à mes côtés dans cette salle désespérément silencieuse. Que sais-je d’elle et de son histoire ? De son enfance, de ses amours et de ses peurs. Quelques phrases seulement prononcées par d’autres. Et trop tard. Elle parlait peu et n’avait pas d’amis. Elle n’ouvrait sa porte qu’à ses enfants. Je sais à présent qu’elle avait peur du monde. Fille d’un violeur anonyme, elle était sans doute là quand des miliciens vinrent arrêter son père adoptif pour l’expédier à Buchenwald ? Je sais aussi qu’elle n’a jamais connu la tendresse. Celle qu’on peut attendre d’un être aimé. Et qu’elle n’a jamais pu, ou su, vraiment aimer. Je la regarde assise à mes côtés. Autour de nous, des regards vides. Toute la sourde douleur d’êtres en détresse. Et elle, si petite, si menu. Si fragile. Les jambes et les genoux serrés, elle noue et dénoue ses mains légèrement bleutées. C’est sa façon de crier, essaie-t-elle de me dire. Toute sa vie, elle aura ainsi retenu ses angoisses et ses colères. Son amour aussi. Je ne la quitte pas des yeux. Et le temps passe. Lourd. Il étend son ombre. Toujours plus dense. Je ne saurai jamais ce qu’elle cache. Quelques images et quelques mots resteront. Toujours les mêmes. Si peu pour une vie !
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Renée BRUNEL
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Tellement vrai hélas. Je suis souvent touchée par vos chroniques et votre façon de les raconter . Mais toujours émue lorsque vous parlez de votre maman…Rien à ajouter quand on a vécu les mêmes moments douloureux et doux. Merci Michel! Je vous suis de loin. Renée
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