Valérie n’est pas madame Bovary !

revue des deux mondes Crépu

Ce beau texte de Michel Crépu– Via Tartuffe et son maître :

« Dans un autre monde, le monde d’hier, le livre de Valérie Trierweiler, écrit après dix ans de recul, eût donné l’un de ces récits rares qui sont le fruit d’une expérience exceptionnelle, l’histoire d’une petite provinciale happée dans la gueule du loup, passant en un éclair des lumières de la place publique à la solitude de l’abandon. Nous n’aurons pas ce livre. Valérie Trierweiler n’a pas eu cette patience : à la place nous avons donc un bloc de souffrance brute, inconsolable et vengeur.Un affect monstre qui a l’air d’un livre – dont on murmure qu’il porte la trace de la main de Laurent Binet, nullité littéraire, l’auteur notamment de « Rien ne se passe comme prévu », récit de la campagne électorale de François Hollande où il ne se passe rien tout court. Depuis sa sortie, tout le monde y est allé de son commentaire, avec ce mélange typique de faux remord et de vraie gourmandise. Inutile de s’en offusquer, sauf à en rajouter dans le trémolo hypocrite. Que l’on ne compte pas sur la Revue des Deux Mondes pour ça.

Quel beau livre c’eût été pourtant ! L’histoire d’une Bovary au temps du tweet, une femme à la beauté mystérieuse que personne n’a jamais eu l’envie de connaître, empreinte de timidité et de fierté, réalisant trop tard que sa main est prise dans le piège : l’éternel scénario de l’humiliation sociale à la française dont nous avons ici une version inédite. Cela laisse un arrière-goût atroce de laideur et de violence : ce qu’il y a de précieux, dans ce livre, la fragilité d’un destin personnel, est broyé au final par absence de recul, de distance, de mûrissement de la douleur. « Merci pour ce moment » consacre le triomphe de l’affect, l’apothéose du tweet comme expression off limits du plus intime. Nous le savions déjà. Mais le cas de figure particulier du livre marque ici un cran supplémentaire. Philippe Labro, dans son blog du Point, demande ce que peut devenir désormais Mme Trierweiler : bonne question pour un écrivain capable de reconnaître dans cette histoire le matériau dostoïevskien. Voilà une femme qui a été, dès le début, médiatiquement décrétée détestable et qui se venge aujourd’hui en tirant à « balles réelles » sur son ancien bourreau. En cherchant bien, on pourrait lui trouver un coin de chapitre dans les Possédés.

Quant au président de la République, du moins ce qu’il en reste : obligé devant toute la planète médiatique, comme socialiste, de protester de son estime pour les « pauvres ». Sa « raison d’être », a-t-il ajouté, sur ce ton inimitable de sérieux qui ne prend pas parce qu’il ne repose sur rien. On apprenait au même moment la démission du ministre Thomas Thévenoud, pour cause de retard fiscal. Trois ans d’oubli pour ce Rastignac de seconde catégorie. Ne réclame-t-il pas déjà, sans vergogne, qu’on lui rende son siège de député ? Tartuffe lui-même recule, saisi d’effroi devant un tel toupet. Pauvre Tartuffe qui a trouvé son maître ! Les Français qui placent désormais Mme Le Pen en finale de la présidentielle apprécieront ce numéro ahurissant d’irresponsabilité.

Conclusion ? La société politique française n’a plus de centre de gravité. Elle dérive maintenant, tous freins lâchés, en direction de n’importe quoi sans qu’on discerne franchement ce qui pourrait servir de pierre d’angle pour une ressaisie des esprits. Politiquement, émerge seule de cette folie, l’autorité d’un Alain Juppé à qui va revenir sans doute le devoir d’engager le fer. M. Juppé a deux adversaires : un dans le camp d’en face, un autre dans le sien propre, tout le monde l’a compris. L’échéance n’est plus loin, désormais, où l’on saura lequel est le pire des deux »

Via Tartuffe et son maître – Michel CRÉPU.

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Commentaires (9)

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    DEDDE

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    Si la France a perdu son centre de gravité; n’est ce pas parce que les Français oublient leurs sens des responsabilités en rejettant toutes les règles de vie que l’on entend plus à l’école ?

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      Michel Santo

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      Bien entendu! C’est ce que je « pointe » dans mes billets précédents..,

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    Raynal

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    Emma s’est suicidé ne pouvant supporter le déshonneur….L’autre, a priori, va bien et compte ses droits d’auteur….Donc, effectivement, pas de confusion possible.

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      Michel Santo

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      Je pensais surtout à l’écrivaine en faisant cette allusion à Flaubert qui disais d’Emma Bovary que c’était lui !

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    Ducalme

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    Chapeau Michel….remarquable éditorial qui mériterait la Une de tant de périodiques….
    Bien sûr , il fallait s’y attendre , Valérie Bovary …. pour le réalisme , et encore ….mais où sont donc les éléments romantiques distillés par le grand Gustave….PATHETIQUE !!!!

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    Elle

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    Bon alors je me dépêche d’aller découvrir ce Michel Crépu. j’ai bien fait de venir vous lire ce soir Michel Santo. Et vive cet humour (et la joie qui l’accompagne) qui nous permet d’assister un peu plus sereinement à ce concert du monde fait de fausses notes. « le président ou ce qu’il en reste  » !!!!! et « l’apothéose du tweet ».!!! Merci pour ce lien… Au fait Raynal écrit -il (elle) ? (je suis prudente mais le la lirait bien ).

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      Michel Santo

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      Jacques Raynal est un de mes amis, un vrai, et il écrit très bien. Mais seul, dans son coin; ou pour commenter chacun de mes billets ou presque ,ici et sur Facebook… Il y a quelques temps déjà, il m’avait adressé un texte ,  » La caverne de Platon racontée à ma petite fille « , que j’ai publié ici: https://contre-regard.com/la-caverne-de-platon-racontee-a-ma-petite-fille/. Allez y, vous verrez , c’est épatant !

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    Elle

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    Merci pour cette réponse. j’ai donc lu l’histoire écrite par Jacques Raynal qui est une très belle restitution de l’allégorie de la caverne. Epatante en effet. Ce qui est amusant c’est que je me disputais récemment avec une amie à propos des idées prêtes à penser et de la « solitude » (dont souffriraient beaucoup parait il) et je pense que je vais lui faire lire ce texte qui exprime mieux ma pensée.
    Et j’ai mis la revue des 2 mondes dans mes favoris puisqu’à la médiathèque (il me semble qu’ils le proposent) à moins que je ne confonde avec le « journal des savants », on ne peut l’emporter à la maison. Madame Figaro, on peut !
    Bref, à bientôt et merci

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      Michel Santo

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      Elle est en effet à la Médiathèque, et j’y vais assez régulièrement la lire … Sur place, hélas ! Bonne journée …

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