Après qui, ou quoi, court-il donc cet homme si pressé…
Je ne l’ai jamais vu assis sur un banc public ou à la terrasse d’un café. Quand je le croise en ville, il semble toujours avoir le feu aux trousses. Long et maigre, le teint pâle et le crâne rasé, il avance à grands pas, courbé par l’effort, un chronomètre dans la tête. Coursier, vaguemestre ou agent de liaison, si j’en crois sa tenue, il tire un caddie d’où débordent paquets et lettres d’apparence administrative. Parfois de simples classeurs sous son bras gauche, seulement l’encombrent. Sa foulée est alors plus souple et sa course plus rapide. S’il n’atteint pas la vitesse des soirs où, courant tous deux sur le chemin de halage de la Robine, nous nous saluons d’un discret regard, son rythme et son style sont cependant les mêmes. Cet homme, d’un âge moyen et probablement célibataire, finalement, galope toujours. Et toujours seul ! Comme dans ses rêves, que j’imagine assez agités par ses performances du jour. Cela fait des années que je le vois ainsi traverser ma route et ma vie. Il connait mon nom, je ne connais pas le sien. Et s’il ne s’est jamais arrêté pour, passant au près de la terrasse où j’ai mes habitudes, me dire « deux mots », ses yeux et son sourire témoignent suffisamment de son amicale attention. Comme ce matin encore ! Cet homme, me disais-je alors, me semble à coup sûr fait pour courir ; et ce métier parfaitement lui convenir. Fait pour courir, mais après qui, après quoi ? Et pourquoi donc éveille-t-il en moi tant de curiosités, tant d’intérêt ?…
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