Ce » Mechanical Ping » de Paul McCarthy fait partie de la soixantaine d’oeuvres du fond de François Pinault présenté à Dinard (en plein pays d’élevage porcin!).Et Harry Bellet, l’envoyé spécial du « Monde » ( 21 août 2009 ), nous dit que cette exposition « offre un autre avantage:c’est le portrait le plus juste qu’il nous ait été donné de voir d’un collectionneur et d’une personnalité complexe… » ( admirez au passage l’élégance du style ). Je ne sais pas si notre homme d’affaires a goûté cette observation, mais à défaut d’être représentative de son originalité, cette truie en silicone inerte sur une machinerie complexe m’a irrésistiblement fait penser à d’autres personnages que ceux visés par notre artiste et présentés dans les parcs d’attractions Disneyland , notamment.Des personnages eux aussi animés par des « moteurs », des « machines », une « énergie » habilement dissimulés sous les voiles de valeurs,vertus ou professions de foi. Autant d’illusions et de simulacres que la fausse truie de McCarty nous révèle par sa mise en scène aussi violente que provocatrice.Et qui, cette dernière fin de semaine encore, auront fait l’essentiel de l’actualité présentée sur nos écrans de télé …
La féria de Béziers s’achève. Le prétexte pour reproduire ici un extrait du mano à mano entre Michel Leiris et Vincent Delecroix publié dans le superbe numéro 588 de la NRF ( pages 274-277 ). Michel Leiris, en janvier 1939 : » Sans fioritures inutiles-juste ce qu’il faut pour montrer qu’on est maître de son art et qu’on n’hésite pas à prendre quelques risques de surcroît-, sans gestes de bravache,sans manèges de théâtre,Rafaelillo torée seulement avec toute son application, toute sa passion et son courage, n’admettant d’autre signature à l’ensemble de son travail q’une éraflure à son costume pour avoir approché la bête de trop près ou sa main droite baignée de sang pour avoir enfoncé l’épée avec une franchise totale. » Vincent Delecroix,en février 2009: » Vous n’aimez pas la tauromachie? Transposez, mettez un écrivain, vous même, si vous écrivez, en place du petit Rafael, et relisez l’article. S’exposer est l’acte- qui n’a rien à voir avec l’exhibition, qui n’interdit pas et même réclame l’étincelante parure, qui impose aussi de choisir ses figures- commun à l’écriture et à la tauromachie; c’est le terme absent mais central de ces quelques lignes…Ma signature, qu’elle est-elle, que sera-t-elle? Si je ne risque pas le coup de corne,à quoi bon? « Qu’ajouter à cela…
Sur le mur d’un bâtiment public de la ville de Narbonne, on peut lire, dans sa version espagnole et sa traduction française, un poème de Fédérico Garcia Lorca. Qui le lit, personne ou presque? Jusqu’àce qu’un » poète » du lieu,sur les conseils d’un » lettré « , s’en avise pour nous signaler une grossière erreur de traduction de » l’ancienne municipalité « . Et d’en appeler à la nouvelle pour que Garcia Lorca » ne soit pas assasiné une deuxième fois « . Bref, une petite cuistrerie enrobée d’une vilaine sauce politicienne, mais qui a le mérite de surtout souligner les limites poétiques de nos deux compères. Car à gloser sur » la rana » ( la grenouille ), qui serait » gênante » au lieu de » rama » ( la branche ), qui serait elle plus seyante, du coup on tue bel et bien la lettre et l’esprit du poète andalous. Concluons donc par ce petit bijou poétique, écrit le 12 juin 1921.
» La lune s’en va sur l’eau Comme le ciel est serein! Elle fauche lentement le frisson du fleuve ancien Cependant qu’une rainette la prend pour miroir à la main «
PS: On trouvera ce texte dans Poésies IV, Gallimard édition de poche, page 40.
« Le modèle français d’intégration ne fonctionne plus, il aggrave inégalités et discriminations plus qu’il ne les combat. Et le décalage entre le métissage de la société française et l’étroite homogénéité de ses élites est plus flagrant et choquant que jamais. »
Métissage! voilà un mot, généralement suivi du qualificatif culturel, abondamment cité dans lapresse au nom d’un anti-racisme de bon aloi, dont nul esprit égalitariste ne saurait s’offusquer, mais qui a le redoutable inconvénient d’oublier la réalité qu’il désigne.
Car si les mots ont encore un sens, il nous est demandé, aux fins d’insertion dans un moule étroit,de devenir les otages du principe de standardisation et du rabotage des aspérités culturelles. Alors même que, comme le dit si justement le poète–écrivainGil Jouanard « Nul véritable citoyen du monde ne fondera jamais son cosmopolitisme sur d’autres motifs que ceux suscités par le primat viscéral et intellectuel de la diversité. » ( Le jour et l’heure. Editions Verdier. 1998.Page 31).
J’avoue moi aussi que je recherche chez autrui ce qui m’en différencie : « la différence entre lui et moi est grande, plus son identité requiert mon attention. » Tournant ainsi le dos au métissage culturel, » …j’offre mon attention passionnée aux quatuors de Haydn, aux chants des Pygmées, aux joueurs de murali du rajasthan, au peintre en bâtiment siffleur, à l’individu qui ne ressemble à personne. »
Mieux écrit que je ne saurais le faire, cette note de lecture sur le petit ( par le format ) mais grand ( par son contenu ) du dernier ouvrage d’Hubert Védrine : » Continuer l’ histoire « , que vous trouverez dans l’excellent blog » Fugues et Fougue « . Un peu de réflexion, en ces temps de toutes les démagogies, ne peut nuire à nos cerveaux bombardés quotidiennement de » yakas » et de » fokons « . Cette vidéo aussi, pour entendre une langue qui, elle, n’est pas de bois .Qu’en pensez-vous ?