Tout se dégrade, tout fout le camp!
P.H.Thoreux est un ami blogueur. Il a l’habitude de nous livrer, à échéance régulière, ses notes de lectures, toujours épatantes. La dernière en date est consacrée à Max Planck.
P.H.Thoreux est un ami blogueur. Il a l’habitude de nous livrer, à échéance régulière, ses notes de lectures, toujours épatantes. La dernière en date est consacrée à Max Planck.
Rares sont les occasions de lire sous la plume d’un journaliste la vérité de son métier. Comment il participe, en toute conscience, au théâtre d’ombres du jeu politique et social en masquant la réalité de son exercice. A la manière de ces acteurs dont Aristote disaient déjà qu’ils devaient savoir incarner les deux grandes passions humaines que sont la terreur et la pitié (les peurs de l’avenir et les souffrances du présent…) afin d’attirer le maximum de spectateurs dans la fosse. Thomas Legrand lève le voile dans cet article , qui devrait être étudié dans toutes les écoles et dont je vous livre ici un extrait. Reste une question : sommes-nous prêts à regarder cette vérité là en face. Au risque de s’y brûler les yeux !
« Les manifestations ont eu lieu, le Président a répondu, et les leaders syndicaux aussi… Et la mécanique répétitive, lassante du dialogue social de sourds ou de dupes, à la française, suit son cours, toujours le même depuis des lustres… Les déclarations de l’exécutif, les réponses des syndicats ressemblent à s’y méprendre aux déclarations de l’exécutif, aux réactions des syndicats, après chaque manifestation d’ampleur, depuis que j’ai l’âge de lire le journal et d’écouter la radio. Et maintenant, je parle à la radio et j’ai l’impression d’avoir déjà lu cent fois ce que je m’apprêtais à écrire et à dire au lendemain des annonces de l’Elysée à la suite de la grève du 7 septembre… Vous allez reconnaître tous ces termes! J’allais jauger, l’air docte, le fameux «rapport de forces» pour savoir qui va gagner: le pouvoir «va-t-il céder?», «la rue va-t-elle faire plier le gouvernement?». Le gouvernement, justement, ou plutôt ce qui en tient lieu, c’est-à-dire l’Elysée, prend acte de la mobilisation, tente de la minimiser mais reconnaît qu’il faut entendre le «message de la rue». Il fait des concessions –il appelle cela des «avancées»–, les syndicats trouvent que «le compte n’y est pas», que le pouvoir reste «sourd à la grogne sociale» et que l’on modifie le texte «à la marge». Vous la connaissez par cœur cette musique. Si la contestation s’amplifie, au pire l’exécutif peut vider la loi de sa substance pour n’en garder l’enveloppe, on dira alors qu’il a «sauvé la face»…
En réalité, derrière ce théâtre d’ombres, les leaders syndicaux et le ministre en charge du dossier chaud se voient en douce ou bien ce sont leurs émissaires qui négocient discrètement ce qui sera convenu d’appeler «des portes de sorties honorables». »
Laurent Fabius, François Hollande, Ségolène Royal, tous les « éléphants » le clament, dès le retour aux affaires, ils rétabliront ce que DSK nomme le dogme des 60 ans. Mais, mais : « Cela ne signifie pas de donner une retraite à taux plein pour tous les salariés à 60 ans, comme a voulu le faire croire le gouvernement », reconnaissait Martine Aubry mardi dans « Le Parisien ». Partir à 60 ans, oui, mais en touchant moins ! Inversement, le projet socialiste promet des pensions plus élevées à ceux qui cotiseront plus de 41 ans.Une reprise inattendue du « travailler plus pour gagner plus » sarkoziste !. Que ce soit le PS qui propose le libre choix et la prime au travail quand les cortèges crient à la logique libérale du projet gouvernemental n’est pas le moindre des paradoxes. On se croirait au théâtre. Celui de « l’Illusion comique ».
Un pasteur. Un fou, un seul, et un vent de panique secoue l’ensemble de la planète diplomatique. Des corans qu’il menace de brûler, et une tornade hystérique ébranle l’ensemble du monde islamique. Ailleurs dans le monde des bibles et des lieus de cultes de différentes confessions sont détruits, et personne ne s’en émeut. Un petit groupe de fanatiques américains aura donc suffit pour que l’asymétrie des relations inter-civilisationnelles et religieuses s’exprime dans toute sa violence. Et du piège dans lequel se trouvent enfermés ceux qui la refusent. Se taire et traiter par le mépris cet autodafé, c’était offrir aux islamistes de tous poils une occasion supplémentaire d’attiser la haine de l’occident. Et le condamner, comme cela a été fait, c’est conforter les extrémistes de tout bord dans leur pouvoir de nuisances. Décidément, l’onde de choc du 11 septembre 2001 n’en finit pas de produire ses effets destructeurs…
L’actualité et les rotomontades de celles et ceux qui président ou prétendent présider un jour aux destinés du pays, m’amène à leur conseiller de lire et méditer cette petite leçon du grand Baltasar Gracian:
« Un héros doit rassembler en lui, autant qu’il est possible, toutes les vertus,
toutes les perfections, toutes les belles qualités, mais il n’en doit affecter aucune.
L’affectation est positivement le contraste de la grandeur, parce qu’il y a toujours de la petitesse d’esprit dans celle-là, au lieu que, dans l’autre, il y a toujours de l’élévation, toute naturelle, ét toute simple qu’elle est. L’affectation est une sorte de louange muette qu’on se donne, mais que les gens d’esprit entendent comme si on leur faisait tout haut son propre panégyrique; et se louer soi-même, c’est le moyen de n’être guère loué des autres.
La vertu doit être en nous, et la louange doit venir d’autrui, lors même que le sujet en est le plus juste et le plus connu. Aussi c’est une punition assez ordinaire et bien méritée, que celui qui paraît fort content de soi jouisse seul de son contentement, sans que personne le lui dispute ou l’en félicite.
L’estime est un sentiment libre, et dont l’homme est si jaloux d’être toujours le maître que nul artifice, nulle autorité ne saurait l’obtenir de lui, lorsqu’il ne juge pas à propos de l’accorder. Mais il épargne d’ailleurs la faiblesse et la honte de la mendier son estime: sans qu’on y pense il ne manque pas plus de la donner libéralement au mérite, que de la refuser opiniâtrement à la vaine montre qu’on lui en ferait. C’est même assez de se relâcher un peu de sa modestie, et de marquer quelque estime de soi, pour que les autres retirent la leur, ou pour leur imposer silence sur les avantages les mieux fondés. Les gens de cour, esprits raffinés et censeurs impitoyables, portent les choses bien plus loin contre l’affectation.
Toute perfection qui se présente trop n’est, selon eux, que grimace; elle n’est que le fantôme et le masque d’une vertu feinte, qui leur donne la comédie. Jugement, à mon avis, trop rigoureux, surtout pour des hommes qui font presque toujours personnage, et qu’on ne voit guère dans un état naturel.
Quoi qu’il en soit, de tous les genres d’affectation qui sont en quelque manière infinis, celui que je crois le plus incurable, c’est d’affecter la sagesse: car le mal est dans le remède même, vu qu’il attaque la raison, qui devrait et qui pourrait seul le guérir, s’il était ailleurs. Mais puisque c’est une faiblesse dans l’esprit d’affecter les belles qualités, quelle folie, quelle extravagance n’est-ce point d’affecter des imperfections, des défauts, des vices que l’on n’a pas? Au reste, bien que l’affectation soit si commune, quelques-uns néanmoins en connaissent assez le faible et le ridicule pour s’appliquer à l’éviter; mais comme si ce défaut nous était naturel et inséparable de l’humanité, ils donnent d’ordinaire dans l’écueil qu’ils fuient, en affectant de n’affecter pas. Tibère affecta de n’être point dissimulé; et ses soins même à se cacher décelaient son génie et son caractère, tout politique qu’il était. De même que la dernière perfection de l’art est de le couvrir, aussi, le dernier degré de l’artifice est de le soustraire à nos yeux par un artifice encore plus fin et plus subtil. Et c’est ce qui ne pouvait guère arriver, dans une cour aussi soupçonneuse et aussi éclairée que celle de Tibère, dont la conduite était une leçon éternelle de dissimulation.
Reprenons. Un héros doit réunir en lui toutes les belles qualités mais sans en affecter aucune. Alors on est à double titre un héros; on l’est par le mérite le plus complet, et par l’estime générale des hommes; on l’est en effet, et l’on est universellement reconnu comme tel.
L’affectation au contraire, quelque légère qu’elle soit, mêle toujours un défaut au mérite, et ce mélange en produit un rabais dans l’idée des hommes. De plus, un grand homme eut-il jamais besoin d’un secours étranger à son mérite, pour s’attirer des égards qui lui sont dus? Je ne sais quel air de simplicité noble et d’oubli de sa grandeur avertit assez pour lui l’attention publique: avoir de la sorte les yeux fermés sur ce qu’il est, pour ainsi parler, c’est l’infaillible moyen de les ouvrir à tout le monde. J’appelle cette conduite une espèce de prodige dans l’état de l’héroïsme et de la grandeur; et s’il en est une autre qui convienne davantage, j’avoue qu’elle m’est inconnue. »
Extrait du » Le Héros » : éditions Champ libre ( épuisé ) . Voir aussi Wikio source Chapitre XVI