J’ai le souvenir, toujours vivace, d’avoir vu et entendu Mady Mesplé papoter, après son récital, dans un salon privé jouxtant la salle des Synodes, et l’avoir alors trouvé fatiguée, vieillie, et pour tout dire quelconque. Quelques minutes avant, placé à bonne distance, j’avais pourtant été ébloui par sa prestance, sa légèreté et sa beauté tandis qu’elle chantait, m’émerveillait. Une déesse drapée dans une longue robe ivoire était là, devant moi !
Hier en fin d’après midi, un petit « crochet » sur mon parcours habituel, et me voilà devant cette entrée de garage ou de parc rongée par le temps, soumise à la nature. Fascinant îlot oublié par l’histoire dans une rue pourtant animée… Si d’aventure j’obéissais à mon désir d’y aller voir, que trouverais-je derrière ces deux grands panneaux de bois, me disais-je ? Les ruines d’une ancienne maison sur lesquelles prolifèrent arbres, buissons et « mauvaises » herbes ? Le cadavre d’une très vieille automobile où nichent et grouillent toutes sortes de vies animales ? À ces questions, les deux messages de n’y jamais stationner devant m’interdisaient d’en franchir les limites. Un médecin, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, pouvait, en effet, en sortir. Que j’imaginais vêtu d’une longue tunique noire, une faux à la main. Il était 19 heures. Je ne voulais pas tenter le diable. Aussi, ai-je continué mon chemin…
Notes : Paul-Louis Courier, né le à Paris et mort assassiné le près de Véretz, est un écrivain français, excellent traducteur, est également un habile épistolier. Mais il est surtout connu comme polémiste, un polémiste qui eut le tort d’être libéral et anticlérical à l’époque du romantisme et du christianisme renaissants. Une citation, au hasard : « On écrit aujourd’hui assez ordinairement sur les choses qu’on entend le moins. Il n’y a si petit écolier qui ne s’érige en docteur. A voir ce qui s’imprime tous les jours, on dirait que chacun se croit obligé de faire preuve d’ignorance. »
Sur la route du retour, en voiture, écoute de Proust : Sodome et Gomorrhe, sur Audible, avec la voix de Guillaume Gallienne. C’est éblouissant ! Je connaissais le texte, mais l’entendre ainsi lu avec tant d’intelligence ne peut jamais s’oublier. À ce moment, par exemple, le fou rire m’a pris :
« La marquise douairière ne se lassait pas de célébrer la superbe vue de la mer que nous avions à Balbec, et m’enviait, elle qui de La Raspelière (qu’elle n’habitait du reste pas cette année) ne voyait les flots que de si loin. Elle avait deux singulières habitudes qui tenaient à la fois à son amour exalté pour les arts (surtout pour la musique) et à son insuffisance dentaire. Chaque fois qu’elle parlait esthétique, ses glandes salivaires, comme celles de certains animaux au moment du rut, entraient dans une phase d’hypersécrétion telle que la bouche édentée de la vieille dame laissait passer au coin des lèvres légèrement moustachues, quelques gouttes dont ce n’était pas la place. Aussitôt elle les ravalait avec un grand soupir, comme quelqu’un qui reprend sa respiration. Enfin s’il s’agissait d’une trop grande beauté musicale, dans son enthousiasme elle levait les bras et proférait quelques jugements sommaires, énergiquement mastiqués et au besoin venant du nez »
Fort heureusement, quand Gallienne rendait ainsi merveilleusement tout le ridicule « savant » et comique de la marquise de Cambremer, j’entrais à très faible allure sur l’aire d’une station service. À « La Junquera », précisément.
La présidente de la Région Occitanie a refusé de se soumettre à l’accord de dupes imposé par Mélenchon à ce qui reste de « frondeurs » dans son ex-parti – inutile à ce stade de se voiler la face. Son premier vice-président, PRG, Didier Codorniou la suit, qui diffuse sur les réseaux sociaux son appel à combattre cette capitulation historique devant un populisme d’extrême gauche aux accents autoritaires et mensongers. Et dans mon département, l’Aude, celui aussi de Codorniou, les choses, en surface au moins, sont claires – enfin ! façon de parler. Une seule circonscription a été octroyée par Mélenchon au PS ; et c’est la conseillère régionale Sophie Courrière Calmon, au profil pourtant droitier et macroniste, qui, de fait, a été adoubée par LFI avec l’incandescent soutien de sa fédération qui, autrefois, c’est-à-dire hier, soutenait hardiment Manuel Valls. Comme me le disait un proche conseiller de Carole Delga , au détour d’un commentaire sur Facebook : « ça sent le sapin ! »
Je ne connaissais pas Sandra Hurtado Ros, jusqu’à ce que je la vois et l’entende chanter au piano samedi dernier dans la salle des Synodes de l’Hôtel de Ville de Narbonne. Toute de noir vêtue, longue et fine, elle a magnifiquement interprété de sa belle voix de soprano des textes en occitan de Max Rouquette et Gérard Zuchetto, ainsi que des poèmes de Miguel Hernandez et Antonio Machado. Le petit orchestre qui l’accompagnait était dirigé avec beaucoup de sensibilité par Bertand Bayle. Il s’en dégageait une grande harmonie musicale et affective. La voix puissante, charnelle et sensible de Sandra Hurtado Ros quant à elle magnifiait la beauté des textes qui nous étaient si généreusement offerts. Je dois dire que j’ai été particulièrement touché par deux des poèmes de Miguel Hernandez (No quiso ser ; En el fundo del hombre). Un poète très peu connu du public français, mais qui, ici, dans cette ville et les villages environnants n’est pas sans éveiller quelques échos dans de nombreuses familles, comme la mienne. Car Miguel Hernandez est né en effet Orihuela et a vécu quelque temps à Cox, le village tout proche de mon grand-père paternel. Je disais que je ne connaissais pas Sandra avant qu’elle ne nous donne ce récital, mais je dois quand même préciser ici que je connais un peu ses parents et sa mère surtout. Je sais aussi que dans cette famille oncle et frères ont été ou sont musiciens. Alors Sandra, merci ! Merci pour avoir réservé dans votre concert un petit moment de l’histoire de familles venues de ce « coin » d’Espagne entre Elche et Alicante, tout un quartier de Narbonne où elles vécurent dans la pauvreté et la poésie simple de Miguel Hernandez, ce poète chevrier ardent et généreux au destin tragique qui parle encore et toujours au cœur de chacun.
Tristes guerres
si l’amour n’en est l’enjeu.
Tristes. Tristes.
Tristes armes
si les mots ne sont de feu
Tristes. Tristes.
Tristes hommes
si d’amour ils ne meurent.
Tristes. Tristes.
Miguel Hernandez.
Cox. Statue de Miguel Hernandez de sa femme et son fils.
Picasso Pablo (dit), Ruiz Picasso Pablo (1881-1973). Paris, musée national Picasso – Paris. MP72. Partager :ImprimerE-mailTweetThreadsJ’aime ça :J’aime chargement… […]