Le mur de ma ville.

   

Juste derrière chez moi, sur le mur d’un bâtiment qui héberge notamment le Conservatoire de Musique de Narbonne, ce poème de Pierre Reverdy; que je lis sans me lasser, à mon retour de longues promenades le long du canal de la Robine.

Il faisait un beau soleil, ce jour là!

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Comme le dit joliment Gil Jouanard dans son introduction à une petite anthologie établie par C.M.Cluny:  » Reverdy voit l’autre côté du monde dans ce côté-ci. Comme les anciens Gaulois… « 

Chronique du Comté de Narbonne.

Unknown  

Mercredi 13 novembre de l’an 2012

Le royaume vit une étrange situation, mon oncle ! Le Roi et son premier ministre se sont dissous dans l’opinion. Aux yeux des Français, ils semblent ne plus exister. Le nantais couaque pendant que ses ministres piaffent, et le premier des hollandais ne sait plus à quel saint se vouer. Ses amis à contrario le disent affuté et réactif aux difficultés du pays. Qui au demeurant sont les mêmes qu’hier et qui  l’obligent à remiser ses promesses ; tout en jurant devant, mais devant qui, mon oncle !? de ne rien céder à ses engagements du passé. Et cela dit sur ce ton bon enfant, rond et mouillé, où percent des lueurs d’ironie teintées de roses et d’agressives pensées. Il est vrai cependant que le mariage pour tous est programmé ! Car il faut bien le reconnaître, notre Roi à du talent, mon oncle ! Et puis, il est si gentil au dire des gazetiers. Cynique bien sur, mais si gentil ! Il est d’ailleurs des signes qui ne trompent pas : sa cravate éternellement de travers et sa manche de chemise, la droite, toujours trop longue n’expriment-ils pas cette naturelle et atavique bonhomie de celui qui jadis présidait en terres corréziennes ? Cet après midi, on me dit qu’il réunit 300 ou 400 nouvellistes au château. Mon ami, le rédacteur en chef du « Courrier de Cucugnan », qui tire à deux exemplaires, a lui aussi été invité. C’est dire l’importance que le Roi accorde à cette grande fête gazetière ! Il va fixer un cap pour les uns, baratiner pour les autres ; et comme à l’accoutumée les avis seront partagés. Mais je ne sais pour quelles raisons, mon oncle, mon intuition me dit que cette orgie de communication ne changera rien au climat de doute et de suspicion régnant sur nos concitoyens. Trop de déni du réel ne peux en si peu de temps être rattrapé. Comment expliquer au peuple rosien qu’il lui faudra accepter de payer pour la compétitivité de nos fabriques, ce qui jusqu’à hier était tout simplement nié ? Enfin ! attendons les jours qui viennent, nos gazetiers nous expliqueront ce qu’il convient d’en penser. Voilà pourquoi, je ne les lis point, mon oncle ! Un célèbre bouffon prétendait que les nouvellistes ne croyaient pas les mensonges des hommes politiques, mais qu’ils les répétaient, ce qui était pire ! Il en est quand même de sérieux et demain sera l’occasion d’en apprécier le nombre.

Je t’embrasse… 

Chronique du Comté de Narbonne.

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Mercredi 17 octobre de l’an 2012

Le pouvoir est un mensonge, et le ministre Mentoujours son icône, mon oncle ! Lui, qui tantôt voulait démondialiser, court désormais de fabriques en ateliers pour éteindre des incendies en conspuant leurs patrons et les banquiers. Son impuissance est à la hauteur de son insolence de parvenu : infinie ! D’aucuns de ses amis y voient la cynique main de François de Gouda. En lui confiant le Redressement manufacturier sans toucher aux lois de l’économie, il le condamnait en effet au ridicule du matamore, qui est sa pente naturelle et qui demain le fera tomber. La cruauté et la ruse sont au cœur de la politique et Mentoujours, enivré d’un pouvoir sans moyens, en est aujourd’hui la victime. Les banquiers et les patrons  apprécient la manœuvre ! Indignés dans la rue, ils rient sous cape à ses rodomontades et se moquent de ce faux puritain dont la dame arbore des lunettes en écailles de tortue  faites sur mesure pour la modique somme de 12 000 euros. Normal sans doute pour une gazetière de gauche à la mode, visiblement loin des réalités du peuple des usines chers à son compagnon de ministre ; un couple de notre temps  emblématique d’une élite politique et médiatique coupée des réalités populaires et droguée aux ors du pouvoir et de l’argent.

Dans le Comté, les affaires sont tout aussi tristement comiques, mon oncle ! Labatout règne dans le style original de ces terres audoises dont on dit des habitants qu’ils ont « la tête plate ». L’avenir y semble sans espoir et la fatuité se mélange à l’amertume dans un présent au souffle court. Le Comté s’avachit ! Seul Patrick de la Natte reste maigre tandis que son seigneur grossit et ses habits se fanent ; mais ils marchent toujours de concert, le dos voûté sous le poids de l’ennui. Dans le camp opposé, c’est la guerre ! Après celle des deux roses, au printemps dernier, voici celle, cet automne, des trois vilains petits canards. Qui seront bientôt quatre quand le sieur de la Godasse s’invitera dans cette mare aux ambitions comtales. Un quadrille mortel dans une trop petite mare où  s’exécutent déjà, au rythme des tambours, d’agressives figures chorégraphiques. Ils s’y noieront,  mon oncle ! Sans fleurs, ni couronnes ; dans l’indifférence et le silence de l’oubli…

Lundi, j’étais, avec mes trois amis, dans le Conflent, à Bélesta précisément. Le vent et une petite pluie nous attendaient au départ d’une randonnée plutôt facile. Il a fallu attendre le milieu de la matinée pour que le Canigou enneigé s’offre enfin à nos vues. Quelle beauté ! La montagne  nous offre tout ce que la société moderne oublie de nous donner, n’est ce pas mon oncle ?

Je t’embrasse.

 

 

 

Chronique du Comté de Narbonne.

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Vendredi 28 septembre de l’an 2012
Eh bien mon oncle ! Les ministres de François le Normal ont de la vertu une étrange pratique, et s’en exonèrent d’autant qu’ils l’exigent de tous. Ainsi le sieur Mentoujours, qui jadis haïssait les riches et les banquiers, sans vergogne les fréquente aujourd’hui. Le soir, en toute discrétion,  ou à midi, au moment du café. La maison Lézard, dirigée en France par le sieur Pigassou, un ami de Babius et Boss-Khan, également patron de la gazette « Les corruptibles », qui emploie Aude Puivar, sa dame, a sa préférence. Rien d’étonnant, cet arrogant et cynique parvenu s’étant jadis illustré par ces mots qui le définissent à jamais : « Je suis croyant, mais pas pratiquant. » Une philosophie partagée par la classe des gazetiers bien-pensants au sein de laquelle il jouit, de surcroît, d’une reconnaissance commerciale : il fait vendre. Tu me diras que pour ces croisés de la « vérité », seules comptent les intentions, bonnes, cela va de soi ! Vues sous cet angle, évidemment, toutes les impostures sont permises. Et justifiées pour ne point désespérer les bedeaux et les gogos qui les crurent. Les lendemains qui chantent ne sont pas miraculeusement arrivés, n’est ce pas, mon oncle !  Mais peut-être faut-il mentir aux hommes pour qu’ils vous croient !…? Comme le babusien Tortolone, ci-devant Président de la Cour qui impose de petites économies à son assemblée et embauche sa dame à son cabinet. Je n’ai pas embauché ma femme, j’ai épousé ma collaboratrice », assure-t-il sans trembler. Une variation ménagère et politicienne de la saillie donjuanesque : « L’hypocrisie est un vice à la mode et tous les vices à la mode passent pour vertus. »  Quel génie, tout de même, ce Molière, mon oncle ! à croire qu’il était aussi à New York quand François de Gouda, dans les locaux de la Société des Nations, pour éviter son ancienne compagne et les coups de la nouvelle, a rebroussé chemin, piteusement, avec toute sa troupe. Demi-tour pitoyable justifié avec peine par d’improbables obligations diplomatiques. On entend d’ici Ségolène de Chabichou dans le rôle d’Elvire : « Me ferez-vous la grâce, François, de vouloir bien me reconnaître? et puis-je au moins espérer que vous daigniez tourner le visage de ce côté? »… « Ah! scélérat, c’est maintenant que je te connais tout entier; et pour mon malheur, je te connais lorsqu’il n’en est plus temps, et qu’une telle connaissance ne peut plus me servir qu’à me désespérer. » Quand Tartoly régnait, on moquait méchamment ses manières, si peu royales il est vrai ; il abaissait le trône, disait-on. Mais que penser d’un monarque pris entre deux femmes et terrorisé à l’idée de devoir saluer la première et subir le courroux de la seconde ? Hésitant et faible, notre Roi est ainsi descendu à hauteur d’homme. Un homme comme tous les hommes ; normal, au cœur et à l’esprit bien monotone dans sa lâcheté. La cour est un vaudeville, mon oncle ! et François de Gouda un Dom Juan revu et corrigé par Feydeau. Mieux vaut rire des hommes, que les agonir, me répètes-tu sans cesse. L’essentiel est peut-être ailleurs, en effet. C’était hier, un arc en ciel ouvrait un ciel d’orange sur les toits de la ville ; il colorait de ses teintes cuivrées des hirondelles en fête et la tour Aycelin brillait à n’y pas croire. Un silence parfait couvrait ce moment de grâce; comme une offrande des dieux, une porte ouverte aux âmes ; juste avant la tombée de la nuit…
Je t’embrasse, cher parent !

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