Refuser la pénombre de la Caverne.

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Après les réflexions d’après Banquet du Livre 2012 de Jacques Raynal, je ne pouvais pas ne pas rappeler ici la figure de Gérard Bobillier, fondateur des éditions Verdier et du Banquet de Lagrasse, décédé en octobre 2009. Je ne le peux d’autant moins que, ce dimanche matin, Victor Malka recevait sur France Culture, dans sa Maison d’Etudes, René Lévy , directeur, chez Verdier, de la collection: les 10 Paroles. C’est de Maimonide et de la réédition du Guide des Egarés dont il fut question. Magnifique conversation, au sens philosophique du terme, et claire introduction à la pensée de ce grand penseur juif marqué par Aristote. Il est des hasards nécessaires!…

Je ne connaissais de Gérard Bobillier que son itinéraire politico- philosophique qui le fit passer du maoïsme militant à l’édition du Zohar, mais ma bibliothèque est cependant pleine de ses livres. Quand Gil Jouanard et Anne Potié, des amis chers, dirigeaient le Centre Régional des Lettres de Montpellier, je me rendais en effet régulièrement dans leurs locaux pour me plonger dans les cartons remplis des nouvelles éditions que leur adressait fidèlement Gérard Bobillier.J’y passais des heures à feuilleter et  lire, seul, dans cette grande pièce à l’odeur prégnante de papier des auteurs découverts en ces occasions comme Bergougnioux, Michon, Delibes, Llamazares; et Erri de Luca , à présent édité chez Gallimard, que je ne quitte plus depuis. Cet écrivain désormais reconnu, après des années de prison, s’était fait maçon pour gagner sa vie. Un maçon qui, tout au long de ces années de vie d’ouvrier, et depuis, feuillete « les Saintes Ecritures et leur hébreu ancien une heure avant de partir au travail. » (Première heure. Rivages poche page 7) «  en homme qui ne croit pas », sans être pour autant athée… Une plongée dans cet univers textuel pour y constater que le métier de maçon est un titre honorifique, comme le prouve le prophète Isaïe lorsqu’il écrit à propos d’un homme juste : « Et je t’appellerai maçon de brèche, celui qui répare les chemins pour vivre. (Is 58,2) » (Page 18). Gérard Bobillier était lui aussi du métier, si je puis dire. Il lui en a fallu à lui aussi du courage et de l’obstination pour construire, au cœur des Corbières, loin des bavardages mondains et médiatiques, une «  Maison » qui «  refusait obstinément – et quoi qu’il lui en coûtât – la pénombre de la Caverne et le jeu des apparences trompeuses… pour s’approcher de la lumière des idées.» N’est ce pas Jacques?

Pourquoi tournons nous en rond?

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Lu, ce matin, dans « le Monde », cet article : « Pourquoi Dupond et Dupont tournent en rond ». Sa conclusion : « Selon les chercheurs, l’hypothèse la plus plausible pour expliquer que l’homme privé d’un fort repère visuel ou sonore se met à tourner en rond lorsqu’il marche est que son système interne de gestion du déplacement est très vite saturé en informations et ne sait plus gérer la situation. »

Qui vaut aussi dans l’espace médiatique dans lequel nous errons !

A lire, donc, comme il le mérite : un vrai conte philosophique!

Les gens ne savent plus supporter le silence…

   

Mes pages:

Lus dans le blog de Juan Asensio, ces extraits pris dans l’oeuvre de R.Abellio

 «Aujourd’hui, dans un siècle voué au raisonnement et qui a inventé la pensée pour tous, les gens ne savent plus supporter le silence, et ils sont emportés par le fleuve des mots de convention, dont chaque individu, paradoxalement, mésuse à sa façon sous la forme opaque d’un bavardage universel qui n’exprime rien de réel et procède même d’une véritable schizophrénie collective. Il conviendra, bien entendu, de dégager le sens positif de cette schizophrénie, car elle en a forcément un, et de voir comment et pourquoi, par quel «progrès», on passe par exemple de l’hébétude de mon grand-père maternel à l’excitation verbeuse de l’homme d’aujourd’hui, stimulé et drogué par l’information

Et ceci:

 «[…] il m’arrive de penser que la terre où je marche, plus sensible que nous mais voilée à nos yeux par notre poussière, s’est imprégnée dans ses profondeurs, des siècles durant, de ces images ignorées de nous, et qu’un jour peut-être des hommes au regard rénové ou munis d’instruments étranges sauront les lire et se pencheront, pensifs, sur elles. A quelques dizaines de mètres à peine de l’avenue à grand trafic, ces lieux sont tranquilles, presque déserts. Rien n’y bouge, on y respire un air immobile, le même, semble-t-il, depuis des siècles. Mais nos yeux ne savent pas reconnaître les signes enfouis.» 

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