Quand j’ai été interpellé par cette dame d’un âge moyen fraîchement permanentée et bourgeoisement mise dans ce hall d’entrée d’un magasin alimentaire, j’ai tout d’abord cru que j’avais à faire à une intermittente du spectacle s’apprêtant à m’exposer les principes philosophiques et politiques de ce que je pensais être, à la vue de ces panneaux explicatifs, une performance artistique et militante d’un genre comique jusqu’ici et à moi inconnu. Aussi, grande fut ma surprise quand j’appris de sa voix aux modulations stridentes, quasi féline, qu’il s’agissait en réalité d’une action « citoyenne » pour venir en aide et porter secours au peuple des chats et chattes errants d’Occitanie ; « peuple » victime, selon elle, d’un véritable génocide mené dans l’indifférence générale de gens comme moi sans doute, avides de consommation et malheureusement inconscients de l’appauvrissement général de notre planète en général et de « notre » biodiversité en particulier. J’exagère à peine ! Pressé cependant de commencer mes courses, elle m’a hélas suivi, collée à mon charriot, tout en continuant à déclamer son évangile animaliste jusqu’à ce qu’elle finisse enfin par me lâcher devant le portillon donnant accès au rayon fruits et légumes du dit magasin. J’ai alors senti sur ma nuque tout le poids d’un regard chargé d’un vague mais puissant sentiment d’incompréhension, pour ne pas dire de colère. J’en tremble encore !
J’ai le souvenir, toujours vivace, d’avoir vu et entendu Mady Mesplé papoter, après son récital, dans un salon privé jouxtant la salle des Synodes, et l’avoir alors trouvé fatiguée, vieillie, et pour tout dire quelconque. Quelques minutes avant, placé à bonne distance, j’avais pourtant été ébloui par sa prestance, sa légèreté et sa beauté tandis qu’elle chantait, m’émerveillait. Une déesse drapée dans une longue robe ivoire était là, devant moi !
Hier en fin d’après midi, un petit « crochet » sur mon parcours habituel, et me voilà devant cette entrée de garage ou de parc rongée par le temps, soumise à la nature. Fascinant îlot oublié par l’histoire dans une rue pourtant animée… Si d’aventure j’obéissais à mon désir d’y aller voir, que trouverais-je derrière ces deux grands panneaux de bois, me disais-je ? Les ruines d’une ancienne maison sur lesquelles prolifèrent arbres, buissons et « mauvaises » herbes ? Le cadavre d’une très vieille automobile où nichent et grouillent toutes sortes de vies animales ? À ces questions, les deux messages de n’y jamais stationner devant m’interdisaient d’en franchir les limites. Un médecin, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, pouvait, en effet, en sortir. Que j’imaginais vêtu d’une longue tunique noire, une faux à la main. Il était 19 heures. Je ne voulais pas tenter le diable. Aussi, ai-je continué mon chemin…
Notes : Paul-Louis Courier, né le à Paris et mort assassiné le près de Véretz, est un écrivain français, excellent traducteur, est également un habile épistolier. Mais il est surtout connu comme polémiste, un polémiste qui eut le tort d’être libéral et anticlérical à l’époque du romantisme et du christianisme renaissants. Une citation, au hasard : « On écrit aujourd’hui assez ordinairement sur les choses qu’on entend le moins. Il n’y a si petit écolier qui ne s’érige en docteur. A voir ce qui s’imprime tous les jours, on dirait que chacun se croit obligé de faire preuve d’ignorance. »
Dehors, ciel gris et vent. Café. Trois grandes tasses. L’esprit s’éveille. Mots à mots. Je pense à cette notation de Frédéric Schiffter lue hier soir. Sur la Sagesse. Une remarque de Montaigne.
Pourquoi ? Et pourquoi ce matin. Je n’en sais rien. Une feinte. En vérité, je sais.
J’attends un peu, rêveur, devant la fenêtre du salon. Rues désertes. Silence dans la ville. Puis m’installe devant mon bureau.
J’ouvre le livre III des Essais, sur ma Kindle, tape « sagesse » sur recherche et retiens le texte du Chapitre 5 : Sur des vers de Virgile »
Je lis :
« J’avais besoin dans ma jeunesse de me contraindre et de me solliciter pour me tenir en réflexion, l’allégresse et la santé ne conviennent pas si bien, dit-on, avec ces pensées sérieuses et sages. Je suis à présent dans un autre état, les conditions de la vieillesse ne me donnent que trop d’avertissements, elles m’assagissent et me sermonnent.[…]
Je me défends contre la tempérance comme je l’ai fait autrefois contre la volupté. Elle me tire trop en arrière, et jusqu’à la stupidité. Or je veux être maître de moi, toujours. La sagesse a ses excès, et n’a pas moins besoin de modération que la folie. Ainsi, de peur que je ne sèche, ne me tarisse et n’abuse de prudence, dans les intervalles où mes maux me laissent tranquille, je détourne tout doucement, et dérobe ma vue de ce ciel orageux et obscur que j’ai devant moi.
[…] Dieu merci, je considère cela sans effroi, mais non pas sans effort et sans étude, et je vais en m’amusant au souvenir de ma jeunesse passée. »
Montaigne fait du bien ! Il libère, rend plus léger. Il est temps à présent de me mettre en mouvement… La journée commence à peine !
Elle est toujours assise sur la même chaise. Toujours correctement vêtue. Comme « avant ». Ses mains jointes reposent sur ses cuisses serrées. Légèrement penchée, le regard vague, toute enclose dans son corps. Un corps si léger, si fragile. « Ah ! Voilà mon fils. » Ces mots seuls, elle les prononce d’un trait.
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