De Cyril Northcote Parkinson : « Tout travail tend à se dilater pour remplir tout le temps disponible »

imgres

Alexandre Moatti est le directeur de la publication science.gouv.fr et l’éditeur du site bibnum . Il est aussi un ami  qui , récemment, me disait préférer Cyril Northcote Parkinson à Auguste Detoeuf . Un Detoeuf et son célèbre  « Propos de O.L.Barenton, confiseur » (Éditions du Tambourinaire, Paris, 1951), qui m’avait été offert par un de ses collègues ingénieurs en chef des Mines, quand j’exerçais au Ministère de l’Industrie . Un recueil de maximes sur la vie des affaires qui a connu un succès comparable à celui du célébrissime Parkinson. Dutœuf était, précision utile, un ingénieur polytechnicien qui sur le tard de sa vie a entrepris de philosopher avec humour sur son expérience des affaires. 

Pour vous donner une idée du personnage, voici quelques unes de ses «  pensées  :  «  Il n’y a de bonne politique que celle du juste milieu. Le difficile n’est que de savoir où il est.  p.32 . De quelque façon et par quelque moyen qu’on décompose une collectivité en groupes (choix, ancienneté, examens, concours, tirage au sort), dans les divers groupes, la proportion des imbéciles est la même. p.137 . Beaucoup de médiocres réussissent. La médiocrité rassure… Et d’autres sur ce site : au fil de mes lectures .
Sur le conseil d’Alexandre, je suis donc allé voir ce qu’en dit Claude Riveline   de Parkinson ! ( texte intégral dans le fichier joint , que je vous laisse découvrir) . Un Parkinson plus proche de Rabelais et de Courteline , lui aussi , que le même Riveline fait pourtant lire depuis toujours à ses élèves de l’École des mines, fonctionnaires du Corps des mines et ingénieurs civils, dans le cadre de ses enseignements de gestion. C’est dire le sérieux avec lequel Riveline prend ces deux auteurs ! Comme cette loi de Parkinson en témoigne, pour lui donner raison :
 «  Tout responsable dans une entreprise a le sentiment d’être débordé et ne cesse de réclamer une aide pour le décharger d’une partie de son travail. » de sorte que :   «   tout responsable souhaite multiplier ses subordonnés et non ses rivaux, il préfère qu’on lui adjoigne un subordonné ce qui lui conférera autorité et prestige plutôt qu’un égal qui peut se transformer en rival. »
 Si, de surcroît, on considère que «Tout travail tend à se dilater pour remplir tout le temps disponible », il advient que tout responsable est de nouveau « surmené » et réclame un subordonné supplémentaire; et , par répercussion en cascade de ces deux lois , Parkinson conclut à la pléthore des effectifs ( qui croissent par multiplication spontanée ) ainsi qu’à leur inefficacité ( puisque le travail nécessite plus de temps et plus de personnes ).
Il suffit d’observer l’évolution des effectifs des fonctionnaires dans l’ensemble de nos fonctions publiques pour constater les profondes vérités des lois de cet honorable et facétieux Cyril Northcote…
Avant de vous plonger dans le texte de Claude Riveline, une dernière maxime d’ Auguste Detoeuf  «  Réfléchir. – Attendre quelques jours avant de ne pas changer d’avis. »  

Un corbillard prend feu !

Un corbillard prend feu !

Cette perle, dans l'Indépendant – édition Narbonne et sa région ! Un corbillard prend feu près de la résidence "Les jardins de Dyonisos " et embrase deux autres véhicules . Et ce commentaire affuté d'un lecteur inspiré, si je puis dire : " c'est ce qu'on appelle de la crémation ambulatoire! "…

Et si nous parlions d’Europe ! Avec Jacques Le Goff …

Le dimanche, en général, je prends un moment pour passer en revue les blogs amis où je suis à peu près certain d'y trouver de quoi nourrir ma curiosité ou ma réflexion. . Aujourd'hui, je me suis arrêté sur celui de Pierre Assouline : la République des livres et sur cet article publié  le premier Mai :  Jacques Le Goff, l'européen. Il m'a paru de circonstance alors que d'Europe l'on parle si peu à quelques semaines d'un vote censé porter nos représentants à son Parlement.

 

Et si nous parlions d'Europe ! Avec Jacques Le Goff ...

le 1 mai 2014

S’il est un intellectuel que l’attribution du prix Nobel de la paix 2012 à l’Union européenne a enchanté, c’est bien Jacques Le Goff ; encore eût-il été comblé si sa satisfaction avait été plus largement partagée. Convaincu que l’héritage médiéval était le plus important de tous les héritages à l’œuvre dans la construction de l’idée européenne, il fut sans aucun doute l’un des plus fidèles et des plus ardents militants d’une Europe des profondeurs. Un essai L’Europe est-elle née au Moyen-Âge ?, paru en 2003 dans la collection « Faire l’Europe » qu’il dirigeait au Seuil,et son corollaire pédagogique L’Europe expliquée aux jeunes, en témoignent qui n’ont rien perdu de leur force.

L’éblouissant fresquiste de l’anthropologie historique était animé par une vision, laquelle lui faisait dire que le continent n’était pas vieux mais ancien car il était celui d’une continuité historique vécue : « S’il n’y a pas continuité, on échoue. S’il n’y a pas changement, on meurt à petit feu ». Tel était son diagnostic. Jacques Le Goff avait découvert que le terme « Européens » était apparu pour la première fois dans un texte mentionnant la bataille de Poitiers (732) ; c’est dans des textes de Pie II et de Georges de Podiebrady, roi de Bohème, qu’il débusqua la naissance de la conscience européenne au XVème siècle ; mais pour que se forme un sens communautaire des Européens au Moyen-Âge, il fallut bien qu’une Europe de fait se constituât pas à pas quand bien même dût-elle n’être pas nommée avant.

Dans tous les débats sur l’Europe, Jacques Le Goff n’a eu de cesse de faire entendre une autre voix. Celle qui faisait résonner l’Histoire, louait ses différents apports qu’ils fussent grec (la démocratie et l’esprit critique), romain (le droit), chrétien (séparation entre Dieu et César), et accordait davantage d’importance aux Européens qu’à l’Europe, l’émergence du premier terme révélant l’identité d’un groupe d’individus et non plus un espace. Au besoin, il le martelait : l’Europe a toujours été unité et diversité, espace commun et coexistence de royaumes, ce qui était sa manière de rappeler que l’Europe ne se fait pas contre les nations.

Son Europe ? Il avait soutenu le projet de « Constitution Giscard », convaincu qu’elle ne pouvait fonctionner qu’à deux vitesses ; quant à la reconnaissance du rôle du christianisme dans l’histoire de l’Europe, qui provoqua des controverses, elle lui paraissait indiscutable –  comment aurait-il pu en être autrement ?; et c’est en historien/géographe qu’il s’était prononcé contre l’entrée dans l’UE de la Turquie vue pour l’essentiel comme une puissance asiatique. Les frontières, il les avait établies à l’Oural et au Bosphore. Mais dans ses Europes intérieures, on distinguait aussi une Europe des corps et une Europe de la diversité des fonds de graisse, une Europe de l’huile et une Europe du beurre, une Europe de la bière et une Europe du vin…

Fier de ce que « son » continent ait échappé à la théocratie, hostile à tout ce qui aurait été une mise entre parenthèses de la laïcité, vigilant face à la montée de l’irrationnel, il voulait raison garder face à la nature. Lors de la fameuse conférence Marc-Bloch qu’il prononça à l’occasion de son départ à la retraite, il rendit hommage “au cher Moyen-Âge” et à “la désirable Europe”, et en deux mots l’essentiel était déjà dit. Eût-il voulu désacraliser tant l’Europe que les nations qu’il ne s’y serait pas pris autrement. Jacques Le Goff a fait prendre aux Européens la mesure de leur dette vis à vis du Moyen-Âge. On s’avisera un jour que ce grand savant n’offrit pas seulement à ses contemporains un autre Moyen-Âge, mais une autre Europe. C’est dire notre dette à son égard. Ses amis le savent bien : au vrai, rien ne pouvait lui faire plus plaisir que de louer l’européen en lui. "