Chronique du Comté de Narbonne.
Mercredi 27 juin de l’an 2012,
Enfin, cette orgie sonore de ce pantin bouclé adulé par nos tartuffes culturels de la société du spectacle en meute, obligatoire et festif est derrière nous, mon oncle ! Que n’a-t-on coupé la tête de son « créateur » sur la place de Grèves où se pratiquait jadis, en ce jour du solstice d’été, le bûcher de la Saint-Jean. On y fêtait alors, jusqu’au milieu de la nuit, par une ronde ininterrompue, la pleine et vraie Lumière ; une chaîne humaine qui n’était brisée que pour lancer à travers les flammes l’un de ses plus fervents maillons ; l’emblème d’une purification collective bien loin de nos grandes messes éthyliques. Aussi, tu ne peux savoir, la joie qui m’envahît quand j’appris que ce dindon suréminent de la farce festive avait été renvoyé dans ses appartements de la place des Vosges par les électeurs d’Epinal. Amusante ironie de l’histoire ! Leurs traditionnelles et naïves images, qui ne montrent que le bon côté des choses, suffisaient à ses braves gens, et leur répugnait l’idée d’y adjoindre le cliché ridicule d’un Gag Bang vieilli et momifié. Au nom de tous les mélomanes du Royaume et de tous ceux qui refusent l’embrigadement festif programmé, requis et en bande, mon oncle, je les en remercie. Au moins nous ne verrons plus ce héron prétentieux au phrasé de marchand de cravates nous servir sa sempiternelle et mielleuse soupe sur les « arts de la rue ». Une rue, au dire d’un de mes amis resté à Narbonne, prise par des hordes de buveurs de bière assommés de décibels laissant sur leur passage d’envahissantes et fétides odeurs d’urine. Un enfer jusqu’à deux heures du matin, se lamente-t-il encore, quand nos édiles locaux et nos bistrotiers en font les choux gras de leur politique économico-culturelle comtale. Quand le monde festif est-il devenu le système même, autrement dit le monde tout court, mon oncle? Il y a bien longtemps, mais personne ne voulait le voir, précise judicieusement ton ami Philippe Murray; qui ajoute : « On essayait, et on essaie toujours, de dissocier l’art de l’économie et la création du marché. On essayait, et on essaie toujours, de différencier les hôteliers des artistes, les artistes des touristes et les commerçants des intermittents (mais un des slogans de ces derniers était: «Commerçants avec nous, votre fonds de commerce est dans la rue»; ce qui ne les empêchait pas dans le même mouvement de dénoncer la «marchandisation des esprits»), alors que ces catégories se confondent et sont complices sous le signe du festif généralisé. » Il n’y a plus que les artistes qui ne savent pas qu’ils ne sont plus des artistes et exigent le maintien de l’art qu’ils ont liquidé; en effet, mon oncle !
C’est dans une bienheureuse pénombre que je t’écris ces quelques lignes. Dehors, un soleil de plomb achève d’abrutir de rares passants. Nos gazettes ont pris leurs quartiers d’été : la météo des plages y figure en bonne page ; les élections à la Cour du Roi et la guerre des roses ayant eu lieu, on compte à présent les cadavres dans les deux camps. Bodorniou, défait, n’a plus de choix : réintégrer, sans gains, le parti de la rose qu’il combattît ? Humiliant ! Prendre la tête du lilliputien parti radinal ? Risqué ! La jouer à la Gorge Raîche ? N’est pas feu le roi de Septimanie qui veut ! En attendant, Dédé de Navarre, du comte de Labatout, nous en brosse désormais, à son corps défendant, le triste portrait d’un homme las, morne et fatigué ; celui d’un notaire provincial de la politique, prudent, attentiste et sans éclats. Quant à ses opposants, dispersés, sans chef ni stratégie, ils commentent ses erreurs, nombreuses il est vrai ; ce qui ne fait pas une politique : la critique systématique du nécessaire aménagement du mail frisant parfois la tartarinade. Ah ! j’allais l’oublier, Patrick de la Natte, se fait plus civil : on le voit, toujours aussi long, sec et de noir vêtu, dans les rues du Comté ; et l’imagier du « Tirelire » l’a croqué ce tantôt, de profil, présentant un vaste front amplement dégarni magnifié par une toute petite queue délicatement nouée.
Ce soir sera l’anniversaire de ma petite fille Charlène, mon oncle. 17 ans ! Déjà !… Nous serons dans les jardins suspendus d’un ami. Loin de tout et près de cœurs. Un léger vent de la mer rafraîchira les tonnelles ; les roses exhaleront leurs plus subtils parfums et les mots seront doux… Il y aura sans doute aussi quelques airs de musique et des rires. Une petite fête pour un grand bonheur.
Je t’embrasse, mon oncle.
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raynal
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Bon anniversaire, Charlène….
Qu’elle n’oublie surtout pas qu’il ne faut pas etre (trop ) serieux quand on a dix sept ans, qu’elle lise bien la prose de son heureux grand père et qu’elle en retire cette substantifique
moelle qui permet de garder un esprit sain, heureux et surtout libre…loin des étals de tous les marchands de pret a penser.
Bisous a elle et bonne soirée a tous.
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Michel Santo
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J’ai repris une de tes expressions: petit clin d’oeil amical… Je t’embrasse!
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