De la sûreté dans le maniement de la langue.
Dans le concert de critiques sur la loi de rétention de sûreté, comme celle de BH Lévy dans Le Point du 28.02.2008, Robert Badinter fourni matière et caution morale en dénonçant « un changement radical de notre droit », une « dérive dangereuse », ajoutant que « Depuis la Révolution française, on va en prison pour des actes ou crimes qu’on a commis, pas pour ce qu’on est, pas au nom d’une dangerosité indiquée par des psychiatres ».
Et BHLévy, d’en rajouter : « Les délinquants ne sont pas des malades…faire de la justice une région de la clinique …c’est renouer avec les temps sombres du pénalisme pré-moderne. »Simple, frappant et plein de bons sentiments. Mais faux ! Car il est suggéré ainsi que, depuis la Révolution, la justice pénale serait insensible à la personnalité des criminels et que cette ignorance seule aurait jusqu’ici été garante de sa probité.
Sans vouloir établir ici la généalogie des relations entre le psychiatre et le juge bornons nous à rappeler que la loi relative à la rétention de sûreté ne constitue qu’une étape supplémentaire dans les interactions de plus en plus fortes entre le modèle juridique et le modèle clinique du contrôle social. L’adoption du nouveau Code pénal en 1994 , soutenue par Robert Badinter lui-même, s’inscrivant dans cette lignée « des lois successives qui ont permis au juge la prise en considération de plus en plus large de la personnalité du criminel » .
Il ne s’agit pas pour moi d’approuver ou pas cette loi, mais de montrer en la circonstance que mêmes les plus grands esprits se laissent parfois aller à ,disons, la facilité…. Sur des questions sociétales sensibles et d’une aussi grande importance, un peu plus de retenue et de raison éviteraient en effet ce déchaînement de passions qu’alimentent encore nos apprentis sorciers en mal de notoriété médiatique.
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