Fake news, post-vérité… ou l’extension du domaine de la propagande
Dans son très intéressant article : « Fake news, post-vérité… ou l’extension du domaine de la propagande » [1], Patrick Chastenet, Professeur de science politique à l’Université de Bordeaux ,après avoir défini ce qu’il entendait par fake news , à savoir, au sens large, non seulement des fausses nouvelles mais des informations volontairement falsifiées et trompeuses, indépendamment de la nature du media utilisé, montre en quoi ils ont « partie liée avec la manipulation, ce qui les inclut – en tant que simple technique – dans un phénomène beaucoup plus vaste et par ailleurs millénaire : la propagande… utilisée par le tyran Pisistrate dès le VIe siècle av. J.-C… »Propagande entendue au sens d’une « diffusion organisée d’informations – vraies ou fausses – destinées à faire – ou à ne pas faire – opérer à des acteurs ou à des groupes d’acteurs, à leur insu, une action (c.-à-d., un vote) qu’ils n’auraient pas effectuée, ou pas de la même manière, sans cette information. » Ainsi, basculerions nous dans un nouvel âge de la démocratie d’opinion connu désormais sous le nom de post-vérité. Cela dit, si les mensonges politiques et les mensonges d’Etat ont toujours existé, la nouveauté réside avant tout, précise P. Chastenet, dans le caractère viral de ces informations, vraies ou fausses, relayées sur les réseaux sociaux et les forums de discussion. Pour nous atteindre, il suffit en effet, qu’un seul de nos « amis » ai validé une fausse information en l’intégrant dans son fil d’actualités alors que la viralité de cette information repose sur un distributeur automatique basé à Moscou ou sur des travailleurs du clic payés à la tâche en Asie. Et l’auteur de conclure : « La prégnance des fake news dans notre quotidien interdit de parler d’une simple dérive du système médiatique imputable à la seule révolution. Les fake news en tant que nouvelle technique de propagande s’engouffrent d’autant plus facilement dans des sociétés gagnées par « l’infobésité » que le désir de savoir n’a pas remplacé le besoin de croire. Dans un monde toujours plus complexe et anxiogène, les fake news simplifient, ordonnent et rassurent en désignant le camp du bien et du mal. »… Tout en précisant que « non seulement un niveau élevé d’instruction n’immunise pas contre ce danger mais en accroissant la curiosité intellectuelle et l’ouverture d’esprit il peut rendre plus perméable aux idées extrêmes ou aberrantes. De ce point de vue, la sociologie cognitive confirme les géniales intuitions de l’auteur (Jacques Ellul) de Propagandes. »
Patrick Chastenet, auteur de « Fake news et post-vérité. De l’extension de la propagande au Royaume Uni, aux USA et en France », Quaderni, N°96, printemps 2018, p.87-101. Dernier ouvrage publié : « Penser et panser la démocratie », Classiques Garnier, 2017.
Patrick Chastenet, Professeur de science politique, Université de Bordeaux
[1] La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
Mots-clefs : Désinformation, fake news, information, Médias, Populisme, post-vérité, Propagande
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