Hier, ma ville était grise et mouillée. Il pleuvait !

     

Hier, ma ville était grise et mouillée. Il pleuvait ! Un incessant lamento couvrait tout l’espace. Les façades gorgées d’eau présentaient d’étranges figures ; de rares passants semblaient glisser sur des trottoirs rendus à l’état liquide, tandis que des corneilles disputaient aux pigeons un carré de verdure imbibé d’eau, pareil à une éponge. Le temps s’étirait mollement ; le jour semblait la nuit, et je n’avais nulle envie d’en briser la ligne, ne serait-ce qu’une heure durant. Ma balade quotidienne serait du lendemain. Plongé dans mes pensées, c’est Mila qui m’en a sorti. Intarissable, enjouée, elle s’est lancée dans une histoire où les oeufs au chocolat, les cloches et les lapins occupaient la plus grande part. « Pas vrai, eh ! Papy » ; « c’est pas possible, là, dans le jardin … » ; « et ces cloches… avec des ailes… non ! ». Elle sortait toute seule de ces enfantines illusions et m’annonçait, à sa manière, que l’âge était venu pour elle de les perdre dans le rire et la joie ; qu’elle serait bientôt une « grande fille ». Ce que, tendrement, avec le sentiment d’une fuite irréversible du temps, je confirmai. J’évoquai alors ce souvenir d’un jour de plein soleil, dans la Clape, au lieu-dit « La grotte de la Vierge ». Un lundi de Pâques précisément où, enfant, entouré de mes parents et de leurs amis, nous faisions « Pâquette ». Un jour lumineux dont rien de précis pourtant n’est resté à ma mémoire. Je ne saurai jamais qui avait préparé l’omelette aux asperges et qui participait à ce rituel païen. C’est là tout le charme des souvenirs d’enfance : une partie de notre vie formée non pas de moments et de gestes successifs, mais de halos et de clartés mêlés qui souvent viennent dans des moments où on ne les attend pas . Ils ont aussi cette faculté d’étirer, d’étendre en tous sens, espace et temps ; d’illuminer une journée. J’aimerais que Mila garde le souvenir de celle d’hier. Ce lundi de Pâques était triste et gris, certes. Il pleuvait aussi. Mais les mots et les images que nous avons échangés pendant ces quelques minutes dont je donne ici l’idée, l’ont embelli. Et peut-être qu’un jour, son souvenir viendra à fleur de nos mémoires…

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