Pêcheurs, plage des Ayguades (Gruissan)
Il est petit, vieux et malade. Je l’ai vu traverser la plage à l’heure où elle se vide et venir s’installer, sa petite canne à pêche dans une main, un sac en plastique blanc dans l’autre, entre deux groupes de jeunes hommes armés de longues « perches » en fibres de carbone et dotés d’un matériel de la plus grande et récente sophistication.
Quand ceux-ci s’avançaient dans la mer jusqu’à hauteur de leur taille, pour y lancer joliment, loin de la grève, leurs plombs et appâts, celui-là restait sur le sable et jetait péniblement son « fil » identiquement lesté dans les vagues, à quelques petits mètres seulement du rivage. Étonnamment, c’est mon voisin de cabane, dont je sais l’âge, l’handicap et les souffrances, qui, à la surprise outragée de ses concurrents, a levé le premier poisson : une petite daurade. Le temps passait, et toujours la même scène incroyable se reproduisait : et quand le sac en plastique blanc se remplissait, les bourriches métalliques demeuraient désespérement vides. Placé au premier rang, comme au théâtre, j’assistais, ravi, à ce spectacle dont l’humour involontaire des acteurs me rappelait certaines planches de Sempé. Sur le coup des 20 heures, à l’heure où les barbecues grésillent, Joseph – c’est son nom – a replié sa petite canne et s’en est allé rejoindre sa « hutte ». Son allure m’a semblé alors moins heurtée, plus légère. J’y ai même entrevu un fond de noblesse. Sa petite fille Ninon, qui, muette, était restée à ses côtés à l’observer, l’accompagnait. Ils souriaient. Pendant ce temps, nos jeunes hommes continuaient de lancer loin, dans l’eau et dans le vide. Les gestes étaient beaux, mais rien n’y répondait. « Bonne pêche, n’est-ce pas Joseph ? », lui dis-je, au moment où il s’est arrêté devant moi pour me saluer. « Oh, si peu ! », protesta-t-il, ironique et conscient d’avoir déjoué le cours « naturel » des choses et vaincu, pour un soir, la jeunesse, sa force et sa beauté.
Aubut
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Bien vu et j’apprécie chaque jour vos commentaires de l’actualité de mon ex ville natale(presque,à trois mois près).Malheureusement cette année dédiée aux virus chinois je ne refranchirai pas la Méditerranée de peur d’être bloqué par décision gouvernementale.De plus le port de la muselière est assez incompatible avec ma santé.Adieu donc Narbonne peut-être pour toujours.Que septembre vous soit agréable.
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