Il n’existe plus de « plages désertes aux eaux turquoises… »
Chaque année, il me montre ses photos de plages exotiques « désertes caressées par des eaux turquoises. » De celles que l’on trouve dans les brochures remplies de bobards garnissant les présentoirs des agences de voyages — qui me laissent froid. Il est de ceux qui pourtant savent que les plages désertes n’existent plus qu’au bout du monde, et dans des milieux « hostiles ». Quant aux eaux turquoises, à moins de posséder un bateau ! De sorte que je me suis toujours demandé s’il ne partait pas dans ces îles à portée d’avion pour rentrer la tête truffée de clichés, sa valise à roulettes remplie des mêmes photos que celles illustrant cartes postales et dépliants touristiques. De son côté, il soutient que la plage des Ayguades, à Gruissan, qu’à mon tour je lui montre, ne peut pas être aussi belle que sur mes photos. Il ne veut pas l’admettre, mais, dans son esprit, elle ressemblera toujours à ce que les journaux et télés nous montrent des plages du continent : de la foule et du bruit. Ce matin pourtant, trois heures après avoir assisté à un splendide lever de soleil, seul, assis à même le sable presque blanc, je me suis baigné longuement dans une eau transparente – elle était à une température parfaite — disons à mon goût : rafraîchissante ! Et à cette heure, sans être déserte, il y avait grandement de la place pour chacun ; et chacun pouvait admirer sous un ciel idéalement bleu, une mer calme et un paysage, alentour, merveilleux. Mais « les gens », me dit-il, d’un air pincé. Eh ben ! Ils proviennent de partout et n’étalent pas leurs suffisances sociales et financières. Ils sont vieux, gros, maigres — peu ! — , superbes, comme ailleurs. Mais tous heureux d’être au soleil, lui dis-je. Mon ami, n’en croit évidemment rien, fait la moue. Il a du mal à me comprendre. Mes photos, mes paroles sont vaines. Plus tard, nous étions au moment où le vent tombe et la Clape rougeoie, il me racontera sa course sur une plage « caressée par des eaux turquoises » : la pluie s’était mise soudainement à tomber. Je l’imaginais alors, de ma cabane, sa serviette sur la tête, chercher en tous sens un abri… J’ai toujours trouvé ridicule l’exotisme des marchands de voyages…
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